Marseille, Paris, Bordeaux... mais LILLE !
Les Lillois se souviennent du drame. 12 novembre 2022, Rue Pierre Mauroy, aux numéros 42 et 44, deux immeubles s’effondrent. Martine Aubry, Maire de Lille, promet alors sa plus vive implication sur la question. Un an plus tard, La Voix du Nord rapporte que la Maire de Lille a proposé au gouvernement d’imposer un « diagnostic approfondi des immeubles anciens au moment de leur revente. » Et le quotidien local de compléter : « La ville se porte volontaire en tant que site pilote. » C’est le début d’une histoire politique pas tout à fait comme les autres. Dans l’ombre, fermement et sûrement, Martine Aubry serait en train de réussir à imposer le diagnostic structurel des immeubles anciens.
En effet, dans le cadre du projet de loi relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement, le texte imposant un diagnostic structurel a été adopté par les députés de l’Assemblée Nationale, en première lecture, complété par l’amendement n°388. Ce diagnostic sera inséré dans le Code de la construction et de l’habitation, sous réserve de son approbation dans les mêmes termes par le Sénat.
Un vieux routard de la politique aurait-il eu raison de l’inertie sur le sujet ?
Même si la nouvelle n’est donc pas encore définitive, elle montre ici plusieurs faits intéressants de la vie politique appliquée à la politique de l’habitat.
Quand un vieux routard de la politique s'en mêle ....
Premièrement, alors que des spécialistes et certains experts des pathologies du bâti réclamaient depuis des années ce diagnostic mais sans effet aucun ou presque, il a suffi qu’un vieux routard de la politique, maire d’une grande ville victime d’effondrements mortels se saisisse du sujet pour que le processus se mette en branle et aboutisse à l’adoption d’un texte, certes en première lecture, mais tout de même !
On attendra sans doute la fin du mois de février pour savoir si le Sénat valide le texte dans sa rédaction actuelle. Il se murmure toutefois dans les couloirs qu'on ne comprendrait pas un recul ou un désaveu du Sénat.
Au surplus, alors que la Maire de Lille proposait de tester le dispositif dans un premier temps à la seule échelle de sa ville, c’est une obligation nationale qui verrait le jour, à charge pour les villes de définir « Les périmètres des secteurs concernés » et de les indiquer « sur un ou plusieurs documents graphiques et annexés au plan local d’urbanisme ou au document d’urbanisme en tenant lieu ou à la carte communale. » Les secteurs concernés par la nouvelle obligation seraient certes limités en fonction d’un critère de « dégradation » de l’habitat mais tout de même ! Quel tour de force. D’une proposition de test à l’échelle régionale, voici venir une obligation nationale….
Pour le moment, l’obligation concerne l’habitat collectif mais est-ce là une première étape avant une extension de l’obligation aux maisons individuelles, à la faveur des conséquences du changement climatique par exemple ? Rien ne permet d’exclure cette possibilité.
Du côté des professionnels, certaines questions restent à poser
Le futur et nouveau diagnostic structurel des immeubles anciens serait régi par l’article L.126-6-1 du code de la construction et de l’habitation.
Selon ce texte et en l’état actuel de sa rédaction, le diagnostic structurel des bâtiments anciens sera obligatoire à l’expiration d’un délai de 15 ans à compter de la réception des travaux de construction du bâtiment et au moins une fois tous les dix ans. On peut déduire de ceci qu’au sein des secteurs concernés par la nouvelle obligation, très certainement des quartiers centraux ou historiques, le nombre d’immeubles concernés sera très important. Il s’agit là d’un vrai changement dans la gestion du bâti ancien en France.
Bien sûr, et comme on pourrait s’y attendre, le diagnostic serait « élaboré par une personne qui justifie de compétences et de garanties définies par décret en Conseil d’État. » Mais c’est la phrase suivante qui interroge : « Cette personne est tenue de souscrire une assurance permettant de couvrir les conséquences d’un engagement de sa responsabilité en raison de ses interventions. » On connait bien le poids pesant sur les épaules du professionnel amené à attester d’une situation possiblement dangereuse pour la sécurité des occupants et du voisinage. On ne connait aussi que trop les conséquences financières extrêmement lourdes d’une évacuation pour les occupants et les propriétaires-bailleurs …. Les compagnies d’assurance suivront-elles le législateur ?
L'occasion pour les professionnels de rappeler leur utilité auprès du gouvernement ?
Toutefois, l’obligation nouvelle n’est pas sans « bonnes » surprises.
Aussi, pour les immeubles en copropriété, l’obligation de réaliser un diagnostic structurel de l’immeuble serait satisfaite par l’élaboration du projet de plan pluriannuel de travaux (PPT) mentionné à l’article 14‑2 de la loi n° 65‑557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. L’occasion de rappeler aux uns et aux autres, l’essentielle fonction qu’est celle du syndic.
Tout comme celle des agents immobiliers de quartier et de terrain, dont la connaissance « métier et quartier » est ici appelée au chevet d’un habitat français ancien et dégradé qu’il sera de plus en plus essentiel de connaître de l’intérieur afin de conseiller au mieux vendeurs et acquéreurs.
Article L.126-6-1 du code de la construction et de l’habitation, version du texte adopté en première Lecture à l’Assemblée Nationale le 23 janvier 2024
La commune peut définir des secteurs d’habitat dégradé dans lesquels tout propriétaire d’un bâtiment d’habitation collectif doit réaliser, à l’expiration d’un délai de quinze ans à compter de la réception des travaux de construction du bâtiment et au moins une fois tous les dix ans, un diagnostic structurel du bâtiment incluant une description des désordres observés qui portent atteinte à sa solidité et évaluant les risques qu’ils présentent pour la sécurité des occupants et celle du voisinage. Les périmètres des secteurs concernés sont indiqués sur un ou plusieurs documents graphiques et annexés au plan local d’urbanisme ou au document d’urbanisme en tenant lieu ou à la carte communale. Ce diagnostic est élaboré par une personne qui justifie de compétences et de garanties définies par décret en Conseil d’État. Cette personne est tenue de souscrire une assurance permettant de couvrir les conséquences d’un engagement de sa responsabilité en raison de ses interventions. Pour les immeubles à destination totale ou partielle d’habitation soumis au statut de la copropriété, l’obligation de réaliser un diagnostic structurel de l’immeuble est satisfaite par l’élaboration du projet de plan pluriannuel de travaux mentionné à l’article 14 2 de la loi n° 65 557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Le propriétaire de l’immeuble transmet ce diagnostic ou, le cas échéant, le projet de plan pluriannuel de travaux à la commune. Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article.
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