Un grand moment de théâtre à ne pas manquer
Le rideau se lève. Elle est là, sur le sol, comme désarticulée. Clara Haskil vient de faire une chute mortelle dans un escalier mécanique de la gare de Bruxelles-Midi. C’était le 7 décembre 1960. Mars 2023 au Théâtre du Rond-Point, Laetitia Casta prête sa vie à l’immense pianiste que fût Clara Haskil. Couchée sur le sol, elle fait entendre la respiration et la voix de Clara. Clara Haskil, la musicienne prodige qui garda naïveté et infinie candeur tout au long de sa douloureuse vie. Elle se lève. Apparaît le piano joué par Isil Bengi, sublimé par la lumière. Voici la vie d’une grande artiste qui se joue devant nos yeux, dans un texte sobre et ciselé.
Vous l’aurez compris, il se joue jusqu’au 26 mars 2023 au Théâtre du Rond-Point à Paris du grand théâtre. Sur un texte de Serge Kribus, Clara Haskil, Prélude et Fugue est mis en scène par le réalisateur et metteur en scène Safy Nebbou. Incarnant avec une énergie fascinante tour à tour Clara Haskil et son entourage (famille, professeurs, amis) dans un « seul en scène » époustouflant, Laeticia Casta est mise en lumière avec une infinie délicatesse. Sa beauté sobre comme éclairée par le talent d’une immense artiste dont la vie n’a pourtant été que souffrances. Sa force aussi. Abnégation et entêtement à ne jamais renoncer et à s’imposer de plus grands défis encore, malgré les vents contraires obstinés. Quand se termine la pièce, on ne sait d’ailleurs qui, de Clara Haskil ou de Laetitia Casta, présente la plus grande force intérieure.
Derrière le portrait de la pianiste Clara Haskil
Je crois que ce qui se dessine, c'est l'émotion et ce que l'émotion produit, le langage. Ce qui apparaît dans les traits de Clara Haskil, c'est ce qu'on entend dans ses interprétations. Une femme sincère, intelligente, sensible, résolue, humble, exigeante, une femme au talent exceptionnel qui a bravé le deuil, la maladie, l'isolement, la guerre, la solitude, la précarité, l'humiliation, une femme qui tremble sous la fébrilité des doutes et lutte à ne jamais renoncer et sourit et rit et regarde et écoute et partage et vit pour et par la musique. Et ce qui me touche, c'est ce qu'on ressent, ce qui n'est pas révolu, ce qui persiste.
Extrait : (Serge Kribus, Clara Haskil, Prélude et Fugue)
Monsieur Robert vient vers moi et me prend les mains. Il me regarde et dit :
- La salle est comble, Clara.
- Est-ce que vous avez un conseil à me donner Monsieur Robert ?
- Oui bien sûr, Clara. N’écoute jamais aucun conseil ! Jamais. La musique n’est pas dans les conseils. De personne. Elle est dans ton cœur, dans tes mains.
- Mais vous, vous m’avez donné des conseils, Monsieur Robert.
- Je t’ai écoutée, Clara. J’ai eu la chance de pouvoir t’écouter. Je t’ai regardée et je t’ai accompagnée.
- Vous m’avez toujours dit qu’il fallait travailler.
- Il faut. C’est vrai. Beaucoup. Le travail ne s’arrête jamais ! Pour toi, pour moi, pour tout le monde ! Nous devons tous travailler. Je ne te l’ai jamais dit, alors je te le dis, Clara. Ton instinct te conduit comme personne ne pourra jamais le faire. Tu dois encore acquérir de la force et des choses que le temps te donnera, mais tout ce que tu joues est naturel, senti, précis, détaillé, lumineux. Tes doigtés sont justes, tout est juste, juste et beau, Clara. Maintenant, trêve de blabla et place à la respiration des chats ! C’est à vous, Mademoiselle Haskil. Le public vous attend.
Clara Haskil, Prélude et Fugue
Théâtre du Rond-Point, Paris, du 8 au 26 mars 2023, 20h30
- Texte : Serge Kribus
- Mise en scène : Safi Nebbou
- Avec Laetitia Casta
- Piano : Isil Bengi
Plein tarif : 38 euros - Tarifs réduits : demandeurs d'emploi, moins de 30 ans et PMR 26 euros
Réservations au 01 44 95 98 21
Crédit photographique ©Edouard Alias
Clara Haskil, Prélude et Fugue
Réservations
"Parmi mes amis, disait Charlie Chaplin, j'ai pu côtoyer trois génies : le professeur Einstein, Winston Churchill, et Clara Haskil". 1960, veille de concert, Clara Haskil vient de faire une chute dans un escalier mécanique de la gare de Bruxelles. La pianiste, au sommet de sa gloire, voit alors la maison de son enfance dans l'incendie, à Bucarest, puis sa vie entière. Dans un texte ciselé, partition minutieuse, l'auteur Serge Kribus fait entendre les voix de l'enfant, de l'artiste accomplie et de son entourage. Réalisateur et metteur en scène, Safy Nebbou découvre les interprétations et la vie de Clara Haskil. Il identifie aussitôt la grâce et la sensibilité extrêmes de la pianiste à l'actrice Laetitia Casta, qui lui a fait part de son désir de revenir au théâtre, de s'y risquer seule.
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