Un bon moteur – un esprit créatif assoiffé et un besoin constant de chercher. Du talent musical, c’est sûr, et un niveau qui correspond au premier niveau de la scène musicale classique ; ou du moins la capacité d’y arriver, pour les jeunes, avec entr’autres mon aide - parce que dans la musique il y a aussi des ligues : la première, deuxième etc … et de plus, un humanisme palpable, parce qu’à long terme, c’est une relation étroite, voir même intime, qui se base sur la pleine confiance, la sincérité et sur l’éthique professionnelle et humaine des deux. Mais, il n’y a pas de recette qui marche à coup sûr, le commencement d’une relation avec un artiste reste un pari, une loterie, un ‘blind-date’, qui peut ou pas se transformer dans une relation de longue durée qui fonctionne. Avec le temps et l’expérience ce sixième sens est enrichi de plus en plus par l’expérience pratique, mais le danger est aussi qu'on devienne plus prudent ; c’est pourtant magnifique de se lancer avec cet enthousiasme jeune et plein d’espoir… tout cela passe par notre tête quand on contemple une nouvelle relation avec un artiste. 

Quand on regarde la liste d’artistes d’une agence et on voit toute de suite une ‘couleur’. Un jour, dans une conversation avec une artiste qui cherchait une agence, elle m’a dit qu’en regardant ma liste elle avait l’impression que tous mes artistes étaient de bonnes personnes.

Cruciale c’est un peu fort, certes, mais ceci est une bonne histoire : dans une tournée Européenne que j’avais préparé pour le légendaire Quatuor Guarneri dans l’agence ou j’ai appris mon métier (Impresariat Simmenauer), l’altiste Michael Tree avait oublié sa serviette avec les partitions dans un train. Ce n’était pas encore le temps des tablettes et sans ses partitions en papier il n’y avait pas de concert le lendemain. Il fallait les récupérer et les envoyer par fax à tout prix. Crisis-Management! Il m’est venu à l’esprit que le train en question continuait son chemin vers le nord, et en regardant sa route j’ai vu qu’il passait par Hambourg, où j’habitais et travaillais. À 23:30hrs du soir je suis montée dans ce train, j’ai cherché le conducteur, j’ai réussi à le convaincre de me donner la valise. Une victoire mémorable pour une jeune manager. 

Je pense que l’industrie change constamment, comme la société en réalité, et que chaque saison a une autre couleur, mais nous-même nous changeons aussi. On évolue comme les artistes, on devient plus virtuose, meilleur vendeur, meilleur psychologue, meilleur manager, on se connait et on connait les autres de mieux en mieux, on laisse notre trace peu à peu, on se fait un nom, et tout cela change mon approche en tant qu’agente. Tout comme la musique, chaque profession est un art et une vocation à la fois et on lui doit beaucoup de dedication du plus profond de nous-même, se requestionner souvent, re-apprendre et s’améliorer sont les clés et une grande responsabilité, pour un long chemin constructif. Il y a une règle d’or pour moi dont il faut tenir compte : si on n’avance pas constamment même d’un petit millimètre, et on continue à faire la même chose, même si très bien, on aura forcément l’impression de rétrograder – d’où le besoin et la nécessité de l’évolution constante. 

En 2012 j’ai co-créé la label eaSonus, comme réponse personnelle à une frustration causée par un changement sur le marché des labels et du disque. Nous avions du mal à placer des artistes, à leur trouver un label, autant les artistes consacrées, voir des ‘légendes’, que les jeunes. Rien ne fonctionnait. C’est là que j’ai eu l’idée de contourner le problème et d’intégrer à l’agence un label et les services pour la presse correspondants- une nouveauté dans le monde classique. Nous avons sorti entre 2 et 5 CDs par année, selon le besoin. Le fait de faire tourner la roue moi-même et de pouvoir synchroniser le calendrier des concerts de mes artistes et leurs programmes avec les sorties des CDs et la presse, nous a permis d’arriver à des résultats très satisfaisants à longue terme dans la carrière des artistes. Pendant la Covid j’ai fermé/arrêté le Label. Le marché des Labels entre-temps a beaucoup changé et c’est relativement facile à placer les artistes, donc je préfère garder le focus sur ma vocation à moi. 

On dit qu’on est autant de personnes qu’on parle de langues… Pour moi la clé c’est la connexion humaine, la compréhension profonde de l’autre. Je crois que je suis à 80%  toujours la même, peu importe la langue que je parle. Les autres 20% sont l’intégration de l’humour, du langage colloquial, des détails en finesse d’une culture, de son histoire, connaitre le peuple – se sont les choses qui me permettent de m’approcher à 100% de l’autre, faire partie de cet autre habitat, que je sois dans un pays ou dans un autre. J’aime les humains, et je vis avec la conviction que nous sommes tous bons, et avec le plaisir d’aller vers l’aventure de la découverte de l’autre, peu importe la culture et la langue.