Entretien
Ancienne avocate passée par les bancs de Sciences Po, architecte d’intérieur et fondatrice de l’Atelier Compostelle, Amandine Maroteaux aime imaginer le lieu de vie et aménager l’intérieur de prestige, qu’il s’agisse d’une habitation, d’un bureau, de boutiques ou d’hôtellerie. Cette passionnée d’art est également curatrice pour un club d’art contemporain. C’est donc tout naturellement qu’elle partage son enthousiasme à inviter l’art dans nos intérieurs et qu’elle nous prodigue ici ses meilleurs conseils.
Concernant les techniques – papier, peinture, photographie... – les portes d’entrée dans le monde de l'art sont nombreuses. Je pense que les œuvres sur papier constituent un excellent format pour débuter une collection – comme par exemple le travail de Benjamin Ottoz ou les moyens formats de Laurent Karagueuzian.
De quelle manière votre rôle de curatrice du club d’art contemporain d’un Big Four vous inspire-t-il dans vos projets ? Quel lien unit ces deux pans de votre travail ?
En tant que curatrice, mon rôle est de définir l’ambition et les engagements d’un Art Club, tout en établissant une direction artistique annuelle. Chaque exposition, organisée sur une période de deux mois, met en lumière un ou deux artistes sélectionnés par mes soins. Je leur propose de créer une série d’environ quinze œuvres spécialement pour l’occasion. En collaboration avec leurs agents, je définis la thématique et l’angle de l’exposition, tout en supervisant la réalisation du catalogue. Le vernissage est alors un moment clé : l’artiste est présenté aux collectionneurs, marquant l’aboutissement du projet.
Notre mission s’articule autour de trois axes : soutenir la création contemporaine auprès des acteurs économiques, encourager une réflexion créative, et offrir une plateforme favorisant l’enrichissement culturel.
Dès lors, des connexions naturelles se tissent entre les projets développés par l’Atelier et les activités de l’Art Club. Nos clients sont invités à découvrir les expositions, où ils peuvent admirer des œuvres d’artistes souvent absents des galeries luxembourgeoises, et échanger entre eux. À Paris, la curation de l’Art Club leur ouvre également les portes de nombreux vernissages, auxquels ils bénéficient d’un accès privilégié.
Ce travail de curation exige des recherches approfondies, ce qui affûte mon regard, renforce mon expertise et enrichit les propositions artistiques que nous intégrons dans nos projets.

D’où vient votre passion pour l’art ?
Des lieux : le musée Calvet et la fondation Angladon-Dubrujeaud notamment. Adolescente, j’y ai passé de longues heures, fascinée tant par l’architecture des bâtiments que par les grands tableaux des frères Vernet. Mon regard s’est affiné au fil du temps, évoluant des antiques et des peintures classiques vers l’art contemporain. Ce basculement s’est notamment nourri de l’idée que l’art contemporain contribue activement à l’écriture de notre époque.
Le Château La Coste, près d’Aix-en-Provence, a également joué un rôle clé dans mon éveil à l’art. Ce lieu unique, où l’art et l’architecture se mêlent harmonieusement entre vignes et montagnes, est une source d’inspiration inépuisable. Chaque salle d’exposition, conçue par des architectes de renom, est une œuvre en soi.
Dans ces lieux, mais aussi dans les galeries, les ateliers d’artistes ou même nos bureaux, j’aime aller à la rencontre des créateurs. Je peux ainsi soutenir leur propos, comprendre leurs techniques et leurs réflexions, de manière à mettre leur travail en valeur, chez moi ou auprès de nos clients.
De quelle manière introduisez-vous l’art dans les projets de l’Atelier Compostelle ?
Idéalement, chaque projet trouve son point de départ dans une œuvre forte ou dans l’intégration d’une démarche artistique. Une œuvre peinte pour un plafond, une sélection de petits formats pour une bibliothèque... Quels que soient les moyens ou l’ambition du projet : l'intention est essentielle.
Qu’ils soient collectionneurs aguerris, porteurs d’une vision curatoriale à l’échelle d’un groupe, ou néophytes en quête de découvertes, l'art fait toujours partie des projets de nos clients. Parfois, cela passe par des gestes simples, comme offrir un catalogue d’exposition ou un beau livre d’art. Par exemple, l’une de nos clientes, passionnée de photographie, a été ravie de recevoir un ouvrage de Vivian Maier.
Concrètement, notre démarche commence par l’identification des œuvres que nos clients souhaitent conserver et valoriser, ainsi que par la définition d’un angle pour leur collection. À d’autres moments, nous choisissons d’introduire une pièce ou une démarche artistique spécifique au sein du projet, et nous l’incorporons dès les premiers moodboards et réflexions créatives.



Que conseilleriez-vous à quelqu’un souhaitant s’initier à l’art et inclure des pièces dans son intérieur ?
Achetez une pièce qui vous parle, qui trouve naturellement sa place dans votre intérieur, et de préférence auprès d'une galerie en mesure d’offrir des services complémentaires, comme une intégration 3D.
Les foires d’art sont un excellent point de départ pour s’initier, car elles présentent le meilleur de la scène contemporaine. Les galeries, quant à elles, sont des lieux privilégiés pour se former et s’informer. Elles sont libres d’accès et offrent l’opportunité d’échanger avec des galeristes passionnés, toujours prêts à partager leur vision et leurs connaissances. N’hésitez pas à préparer quelques questions ou à demander tout simplement à en savoir plus sur l’artiste ou la galerie.
Concernant les techniques – papier, peinture, photographie... – les portes d’entrée dans le monde de l'art sont nombreuses. Je pense que les œuvres sur papier constituent un excellent format pour débuter une collection – comme par exemple le travail de Benjamin Ottoz ou les moyens formats de Laurent Karagueuzian.
Avez-vous un courant préféré ? Un designer ou artiste que vous affectionnez particulièrement ?
Simon Hantaï ! Et la période bleue. J'aime beaucoup le travail sur papier. Collé, écorché, déchiré, imprimé, gravé... Le champ des possibles est très ouvert et permet aux artistes de se renouveler.
Parmi les artistes contemporains, je suis avec attention le travail d’Amélie Dauteur, Laurent Karagueuzian, BéatriceBissara, Silvère Jarrosson, Michel Cornu ou encore Tiffany Bouelle, via notamment les galeries Porte B., Wilo & Grove, Aquilaluna et les agents du Studio Artera.
Les totems d’Amélie Dauteur, en particulier, jalonnent nos projets. J'aime leur esthétique, leur propos, et les passerelles qu'ils construisent entre différentes cultures. Je suis fascinée par la capacité de l'artiste à renouveler son art en jouant avec les socles, les formats, les matières et les couleurs. Chaque création est une nouvelle surprise.
La masterpiece à avoir ?
Je me promène souvent dans la salle dédiée à Pierre Soulages, au Centre Pompidou, à deux pas de mon bureau. Les œuvres du maître de l’outrenoir possèdent une aura particulière. Elles conjuguent investissement et plaisir, réflexion et apaisement, art et philosophie, tout en explorant des enjeux esthétiques et métaphysiques.
Cette même profondeur se retrouve dans les grands retables de Fabienne Verdier, une artiste contemporaine que j’ai eu la chance de rencontrer grâce à la galerie Lelong.
Au Luxembourg et en Belgique, Pierre Alechinsky est une figure incontournable. Bien qu’il vive et travaille en France, il est très apprécié de mes compatriotes d'adoption. L’exposition à la Villa Empain, nichée dans son sublime écrin Art Déco, n’a fait que renforcer son attrait. Parmi ses créations, « Bleu comme une orange », un très grand format présenté à Bruxelles, peut être qualifié de chef-d’œuvre. Pourtant, mon cœur penche davantage pour ses formats verticaux, comme « East River », proposé par la galerie Lelong.



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- 16 septembre 2025