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Utilité et fiabilité du diagnostic de performance énergétique. Enfin, un DPE Collectif de pleine envergure – Par Danielle Dubrac, UNIS

Tribune libre

Une urgence nationale peut en cacher une autre

Il est devenu le fondement de la transition environnementale du patrimoine immobilier français, en particulier résidentiel : le diagnostic de performance énergétique (DPE) s’est acquis au fil des ans et des réglementations une autorité qu’on n’avait pas imaginée lorsqu’il a été créé il y a près de vingt ans. Il était alors simplement informatif, et voilà que de ses résultats dépendent désormais la valeur des biens, des loyers, les travaux à y engager, le maintien même de leur destination dès lors que de mauvaises performances écologiques conduisent à l’interdiction de louer. Jusqu’au prêt immobilier qu’une note insuffisante dans l’échelle du DPE pourra compromettre.

Or, pour mériter ce statut supérieur le DPE devrait être irréprochable et ce n’est pas le cas. La ministre du logement s’est emparée du sujet et elle vient de présenter un plan de fiabilisation et de lutte contre la fraude comportant une dizaine de mesures : Davantage de contrôles et de sanctions, pour les diagnostiqueurs indélicats comme pour les organismes certificateurs complaisants, le recours à l’intelligence artificielle pour repérer les DPE insincères, la géolocalisation pour traquer les professionnels qui ne se déplacent pas ou encore le QR code associé à chaque diagnostiqueur et à chaque rapport pour attester que le premier est habilité et le second authentique et dûment enregistré à l’ADEME. Enfin, deux missions sont confiées à un parlementaire pour l’une en sorte d’estimer l’utilité d’un ordre des diagnostiqueurs et à un expert pour l’autre, appelée à préfigurer des formations supérieures menant aux métiers du diagnostic.

Tout cela est nécessaire et la ministre a raison de réagir sans délai. Il reste que les obligations du DPE et ses conséquences sur l’attrition du parc locatif privé sont inadaptées et que la fiabilisation des personnels à la manœuvre ne règlera qu’une petite partie du problème : les règles du jeu stigmatisent les propriétaires et les dissuadent d’engager des travaux correctifs.

Des évolutions juridiques et des souhaits de simplification

Quelques évolutions juridiques permettraient d’éviter à bon compte, sans coût pour l’État, d’éviter cet écueil. Il faut d’abord revenir sur le choix de retenir dans le DPE la plus mauvaise note entre la consommation théorique et les émissions de gaz à effet de serre : faire primer la meilleure, ou même ne considérer que les émissions de GES, seul véritable indicateur relatif à l’intérêt général et indépendant de l’usage du logement redresserait mécaniquement le classement d’une partie du patrimoine et lui épargnerait la qualification injuste d’indécence. Injuste encore de revenir sur le passé contractuel entre bailleurs et locataires : seuls les nouveaux baux conclus devraient tomber sous le coup de l’interdiction de louer si le logement est énergivore.

Il serait également opportun de simplifier le rapport complexe et incompréhensible entre DPE collectif en copropriété et DPE individuel pour les appartements de l’immeuble : là encore, que la précellence soit donnée à celui des deux qui confère la meilleure note.

Remarque

Sur ce dernier point, nous constatons avec satisfaction que la Commission des affaires économiques du Sénat vient d’adopter une mesure « visant à la prise en compte du DPE collectif lorsque sa classe énergétique permet de satisfaire les obligations de décence, pour rendre les copropriétaires solidaires face à la rénovation énergétique, conformément à la proposition n° 10 de la commission d’enquête sénatoriale de juin 2023 ».

Formulons le vœu que cette mesure soit maintenue tout au long du parcours parlementaire de la proposition de loi n°328.1

"La véritable urgence nationale conduit à aller au-delà et à modifier les modalités de calcul, de lecture et d’usage du DPE."

Les copropriétaires bailleurs attendent aussi que l’initiative parlementaire avortée à l’Assemblée nationale revienne en débat grâce au Sénat : elle prévoyait que les investisseurs dans une copropriété qui avait voté des travaux soient exonérés de l’interdiction de louer jusqu’à leur réalisation. Cette disposition exige d’être élargie : dans une copropriété qui a voté son plan pluriannuel de travaux, désormais obligatoire et préalable à toute décision d’amélioration environnementale, les bailleurs de logements n’atteignant pas les performances énergétiques attendues devraient pouvoir continuer à louer puisque le process collectif d’amélioration a été engagé. Enfin, il est choquant et à rebours de l’histoire que le DPE affecte l’électricité d’un coefficient qui la pénalise par rapport au gaz, alors même qu’elle constitue sans conteste la solution d’avenir dans la lutte contre le dérèglement climatique.

On entend que le gouvernement est hostile à tout changement des règles de fonctionnement. Cette position serait tenable si à la clé de l’obstination on ne déplorait autant de dégâts sur l’offre locative. Elle le serait même si les DPE étaient inattaquables : ce n’est pas le cas et la ministre a ouvert un chantier exigeant qui en atteste, tout en créant les conditions d’un futur plus assuré, ce dont il faut lui rendre hommage. La véritable urgence nationale conduit à aller au-delà et à modifier les modalités de calcul, de lecture et d’usage du DPE.

Il n’est pas facile d’équilibrer l’action publique entre coercition et encouragement, mais aucune mesure dure et sans âme n’aura raison contre les acteurs qu’elle vise. Les mises en vente de logements locatifs montrés d’un doigt accusateur comme des passoires énergétiques se multiplient de façon inquiétante. La crise du logement s’en trouve dangereusement aggravée. Le réalisme doit prévaloir quant à l’utilisation du DPE. Populaire, il se mutera si l’on n’y prend garde en détonateur social.

Notes

1 - Sénat – Commission des affaires économiques – 26 mars 2025 - Première lecture de la Proposition de loi n°328 visant à clarifier les obligations de rénovation énergétique des logements

Danielle Dubrac
Danielle DubracContributrice
Danielle Dubrac
Danielle DubracContributrice
Présidente CCI du 93
Présidente nationale du 1er syndicat professionnel d’administrateurs de biens immobiliers UNIS

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