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HCSF : une notoriété inespérée et une technocratie en situation de surpuissance ?

HCSF : une notoriété inespérée et une technocratie en situation de surpuissance ?

Les professionnels de l'immobilier et du crédit expriment leur déception

Dans la nuit du 29 au 30 avril 2024, s’est jouée en France une farce dont les auteurs comiques du Grand Siècle se seraient à coup sûr inspirés. Nous avions Tartuffe. Nous pourrions désormais depuis hier soir espérer qu’un grand écrivain s’inspire de cette soirée à l’Assemblée Nationale pour dénoncer le fonctionnement de certains comités en France, dont le HCSF.

L’histoire est connue de tous les professionnels de l’immobilier. Elle avait assez suscité l’espoir et mis aussi un temps le gouvernement à l’abri de critiques trop vives. Un ministre du logement plutôt volontaire pour accompagner le secteur de l’immobilier dans la dure crise qu’il traverse …. un député Renaissance courageux (Lionel Causse) qui propose une loi tendant à réformer le HCSF et ainsi ajuster les conditions d’octroi d'un crédit immobilier aux françaises et français empêchés chaque jour un peu plus d’accéder à la propriété (quand ce n’est pas au logement). 

Hier soir, le député Lionel Causse a donc décidé de retirer son projet de loi alors soumis à l’Assemblée Nationale. Le texte, vidé de toute substance au fil des amendements, ne valait plus la peine d’être défendu. « Cette décision fût difficile à prendre, mais il fallait se rendre à l’évidence : le texte, en cours de séance, a pris une coloration inattendue. », écrit le député Lionel Causse qui reste très élégant. 

Adieu les espoirs d’un crédit immobilier un peu facilité pour les Françaises et les Français, bonjour tristesse aurait écrit l’autre …. Les interrogations sur le fonctionnement d’un organisme qui s’est au fil des années arrogé un pouvoir important sans s’imposer les règles pourtant minimales en démocratie de la transparence s’accumulent.

HCSF : une notoriété inespérée …

Le mot n’est pas de nous. Et ce n’est pas un bon mot. Le 4 décembre 2023, Agnès Bénassy-Guéré, seconde sous-gouverneure de la Banque de France écrivait sur le site internet du HCSF un article extrêmement laudatif en l’honneur de l’institution qu’elle représente : « Haut Conseil de Stabilité Financière : une notoriété inespérée. »

Soulignant la « notoriété inédite » de cette institution et mettant en avant l’indice google de notoriété du terme HCSF en France, la fonctionnaire poursuit : « Si le terme « HCSF » et en train de passer dans le langage courant, c’est semble-t-il moins du fait de ses décisions sur les « coussins contracycliques » – fonds propres supplémentaires que les banques doivent accumuler pour amortir les retournements ultérieurs de l’offre de crédit – qu’en raison des « normes HCSF » relatives aux conditions d’octroi de crédit immobilier. Introduites en décembre 2019 sous la forme de recommandations, elles ont été recalibrées en janvier 2021, puis transformées en normes contraignantes devant s’appliquer à partir du 1er janvier 2022. L’objectif était, et reste, de mettre fin à la dérive observée des durées des prêts et des taux d’effort (mensualités de remboursements et intérêts rapportées au revenu disponible) susceptible de fragiliser le modèle français de financement de l’immobilier. » 

Les normes HCSF en question

Les normes HCSF, voilà bien le cœur du débat. On laissera google de côté évidemment. En 2019, elles relevaient de la recommandation. En 2021, elles deviennent des normes contraignantes. Les banques sont donc depuis contraintes de les appliquer sous peine de s’exposer à de lourdes sanctions. Pour mémoire, ces normes prévoient ainsi un taux d’endettement maximum de 35 %, assurance emprunteur incluse, une durée d’emprunt limitée ne pouvant excéder 25 ans (et 27 ans dans certains cas, une possibilité de déroger à ces critères dans 20% des dossiers de crédits soumis aux banques chaque trimestre. Ces dérogations doivent par ailleurs concerner 30% des primo-accédants dont 80% pour l’achat d’une résidence principale. 

Ce sont ces normes que le député Lionel Causse souhaitait pouvoir assouplir. « Lionel Causse lui-même soulignait l’absurdité à laquelle nous sommes parvenus : des Français, à qui l’on refuse de consacrer 40% de leurs revenus à devenir propriétaires, peuvent continuer à engloutir 50% dans leur loyer sans que personne n’y trouve à redire. » rappelle Caroline Arnould, directrice générale de CAFPI, tandis que Stéphane Fritz, Président de Guy Hoquet l’immobilier pointe une réalité jamais contredite par la Banque de France : « 76% des personnes surendettées sont locataires de leur logement. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est la Banque de France. Et si vous vous demandez quelle est la part de personnes surendettées qui sont propriétaires, toujours selon la Banque de France : 9%. »

HCSF

Une technocratie en situation de surpuissance ?

Comment le HCSF est-il composé ?

Le HCSF est composé de membres de droit1 et de personnalités qualifiées2. On remarquera au passage que la parité se fait grâce à la nomination de trois femmes universitaires parmi les personnalités qualifiées. Au cœur de la proposition de loi présentée par le député Lionel Causse, le sentiment que devraient aussi siéger dans cette instance deux parlementaires : un député et un sénateur. Deux personnalités issues de la représentation nationale auraient donc été invitées à participer aux discussions et aux prises de décisions du HCSF qui, on le rappelle, sont devenues contraignantes depuis 2021. 

Du pouvoir normatif contraignant du HCSF

Les parlementaires n'ont pas interprété la proposition de loi de cette manière et n'ont pas pris en compte l'information essentielle selon laquelle le HCSF détient désormais un pouvoir normatif. Alors que le HCSF produit des normes qui s’imposent à la loi et aux Français, nos élus n’ont pas jugé utile de porter ne serait-ce qu’un regard sur ces normes. On ne peut que s’étonner de cette situation, à l’instar de Henry Buzy-Cazaux, Président de l’IMSI

Le retrait par Lionel Causse cette nuit de sa proposition de loi tendant à réformer le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) constitue un signe extrêmement inquiétant de la précellence de la technostructure de Bercy sur les parlementaires. Il s’agissait seulement de faire siéger un député et un sénateur au Conseil, pour en faire une instance démocratique, et de permettre aux banques d’ajuster les critères d’octroi des crédits immobiliers. Le ministre de l’économie et le Gouverneur de la Banque de France ont brandi un risque systémique de surendettement des ménages inexistant, pour que leur pouvoir de tutelle restât intact. De mauvais augure quand le Premier ministre promet la simplification pour libérer les énergies. 

Henry Buzy-Cazaux

A la recherche d'un équilibre impossible ?

Ainsi que le rappelle le député Lionel Causse sur son compte LinkedIn : « Dans cette affaire, tout était question d’équilibre ; un équilibre visiblement impossible entre la nécessité pour les établissements bancaire de dispenser des crédits de qualité, par l’application des normes édictées par le HCSF, et la nécessité de garantir aux français un droit à l’information sur les décisions qu’il prend. » Manifestement, le désir d’équilibre était absent. Tout comme celui de d’insuffler un souffle de vent démocratique au sein du HCSF dont l'organisation semble désormais être sérieusement entachée d'un manque flagrant de transparence, et d’une influence qu’on peut soupçonner d’être coupable sur l'Assemblée nationale. Le puissant système bureaucratique français continue donc d’être extrêmement performant. 

Conclusion

La conclusion reviendra à Maël Bernier, Porte-parole de Meilleurtaux. 

Le HCSF garde donc tous les pouvoirs et pourra continuer de bloquer l’accès au crédit sous des prétextes spécieux de protection contre le surendettement des ménages, sachant pertinemment que le surendettement des ménages concerne les locataires dans près de 9 cas sur 10 et s’appuyant sur la crise des subprimes de 2008 qui était liée à des produits à taux variables que la France est le seul pays à ne pas commercialiser. Bref le bon sens n’est pas passé. Dommage ! 

Maël Bernier, porte-parole de Meilleurtaux
HCSF

Les membres du HCSF au 30 avril 2024

[1] Membres de droit du HCSF au 30 avril 2024 : Bruno Le Maire (Ministre de l’économie et des finances, Président du HCSF), François Villeroy de Galhau (Gouverneur de la Banque de France), Jean-Paul Faugère (Vice-Président de l’ACPR), Marie-Anne Barbat-Layani (Présidente de l’AMF) et Robert Ophèle (Président de l’ANC). 

[2] Personnalités qualifiées et membres du HCSF au 30 avril 2024 : Raphaëlle Bellando (universitaire), Hélène Rey (universitaire), Marianne Verdier (universitaire).  

Anne-Sandrine Di Girolamo
Anne-Sandrine Di GirolamoFondatrice
Anne-Sandrine Di Girolamo
Anne-Sandrine Di GirolamoFondatrice
Journaliste fondateur des Ondes de l’Immo.

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