• Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
location meublée airbnb copropriété

Location meublée de courte durée de type Airbnb en copropriété : une fatalité ?

Des réponses existent

L’activité de location saisonnière de courte durée de type « Airbnb » exercée en copropriété est souvent source de nuisances et de débordements rapportés aux syndics puis soumis aux avocats par des copropriétaires souvent désemparés face à ces modes de consommation du logement. A la liberté du copropriétaire bailleur de disposer librement de son bien en vertu de son droit de propriété répondent bien évidemment les stipulations du règlement de copropriété et les documents de la copropriété. Mais là ne sont pas les seules réponses possibles aux écarts.

Si le règlement n’interdit pas expressément cette activité, le propriétaire qui exerce ou entend exercer l’activité de location meublée de courte durée est néanmoins tenu de respecter la tranquillité de l’immeuble et les droits des autres copropriétaires.

Benjamin Naudin, avocat
Location meublée de courte durée de type AIRBNB

1 - Comment peut-on qualifier l’activité de location meublée de courte durée ?

La location meublée saisonnière correspond aux locations de courtes durées conclues essentiellement dans un but de loisirs ou de tourisme. Contrairement aux baux d'habitation classiques, soumis à la loi du 6 juillet 1989, ce type de location n'est régie que par le Code civil (article 1713 et suivants).

On distingue alors deux situations :

  • La location meublée saisonnière d’une résidence principale.
  • La location meublée saisonnière d’une résidence secondaire.

La location meublée saisonnière d’une résidence principale

Selon l’article 2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, la résidence principale peut se définir comme le logement occupé au moins 8 mois par an, sauf pour des raisons professionnelles, de santé ou en cas de force majeure, soit par le locataire ou la personne avec laquelle il vit, soit par une personne à charge.

La location de cette résidence principale à des touristes et ce par le biais d’une plateforme dématérialisée est totalement possible, sans formalités imposées au bailleur, dès lors que cette location n’excède pas 120 jours1 par an. 

Si cette location dépasse ce seuil, le bailleur aura pour obligation d’obtenir une autorisation de changement d’usage et cette activité pourra être considérée comme une activité à nature commerciale.

La location meublée saisonnière d’une résidence secondaire

A l’inverse et logiquement, une résidence secondaire se définit donc comme une résidence occupée moins de 8 mois par an.

Depuis la Loi ALUR du 24 mars 2014, « le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation, (et résidence secondaire), de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage ».

Dans certaines communes, cette activité nécessite l’obtention préalable d’une autorisation de la mairie pour louer une résidence secondaire, il s’agit des communes :

  • De plus de 200.000 habitants ;
  • De la petite couronne parisienne (départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne) ;
  • De plus de 50.000 habitants comportant des zones dites « tendues » (déséquilibre entre l’offre et la demande).
  • Qui, par arrêté municipal ou délibération de l’EPCI, ont décidé de rendre applicable, sur tout ou partie de leur territoire, cette réglementation2.

Une fois cette autorisation obtenue, ce local ne va plus être considérée comme un logement d’habitation mais comme un local commercial. Notons qu’interrogée sur cette réglementation très stricte, la Cour de justice de l'Union Européenne, dans une décision du 22 septembre 20203 n'a pas opposé d'argument à la mise en place d'une réglementation nationale sur les locations répétées de courte durée, dans un contexte de pénurie. La règlementation française sus évoquée a donc été validée par ladite Cour.

La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

Article 544 du code civil

2 - Quels sont les pouvoirs du copropriétaire sur son lot en matière de location ?

Au terme de l’article 9 de la Loi du 10 juillet 1965, « Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble ».

Ainsi, les copropriétaires, qui peuvent consentir sur leurs lots des actes de disposition, peuvent, a fortiori, les donner en location. Toute clause du règlement de copropriété qui aurait pour résultat d'apporter des restrictions à ce droit doit, en principe, être réputée non écrite. Tel est, par exemple, le cas de la clause subordonnant la conclusion du bail à l'autorisation du conseil syndical.4

Néanmoins, et en application de l’article 9 sus cité et de l’alinéa 2 de l’article 8 de cette même Loi, la destination de l'immeuble peut justifier des clauses restrictives du règlement de copropriété. Le caractère d'immeuble de haut standing peut donc légitimer une clause interdisant la location des chambres de service à des personnes étrangères à la copropriété.Ainsi, la pratique de la location meublée de courte durée au sein d’une copropriété, peut connaitre plusieurs limites :

  • La destination de l’immeuble et sa définition contractuelle contenue dans le règlement de copropriété.
  • Les droits des autres copropriétaires et le trouble anormal de voisinage.

3 - La destination de l’immeuble en copropriété constitue-t-elle un obstacle à la location meublée de courte durée d’un lot ?

Citée une quinzaine de fois dans le statut de la copropriété, la notion de destination de l’immeuble a toujours été source de complexité. Pour en trouver une ébauche de définition, il faut chercher, non dans ledit statut, mais dans l’exposé des motifs de la loi du 10 juillet 1965. La destination y est définie comme « l'ensemble des conditions en vue desquelles un copropriétaire a acquis son lot, compte tenu de divers éléments, notamment de l'ensemble des clauses des documents contractuels, le caractère physique de l'immeuble, ainsi que de la situation sociale de ses occupants ».

Il s’agit donc des caractéristiques physiques, juridiques, contractuelles et sociales de l’immeuble justifiant l’intérêt qu’ont eu les copropriétaires lors de leur achat. La destination de l’immeuble joue le rôle de garde-fou au sein de la copropriétéce qu’elle limite les velléités des copropriétaires dans leurs comportements individuelsdu syndicat dans sa prise de décision et du règlement de copropriété à régenter la vie des copropriétaires.

Cette destination de l’immeuble se compose notamment des mentions et stipulations du règlement de copropriété et des autres documents de la copropriété mais comprend également tout ce qui définit l’immeuble dans un sens large. Assez classiquement, le règlement de copropriété peut prévoir une « clause d’habitation bourgeoise dite exclusive », cette clause réserve l’usage de l’immeuble entièrement à l’habitation, rendant ainsi toute activité professionnelle et/ou commerciale incompatible avec la destination de l’immeuble. La location meublée de courte durée dite « commerciale »y est donc proscrite.

Plus fréquemment, le règlement peut prévoir une « clause d’habitation bourgeoise dite ordinaire », selon laquelle, en principe, les activités libérales et habitation sont autorisées au sein de l’immeuble. Dans cette hypothèse, la jurisprudence avait tout d’abord admis l’activité de location de meublés de courte durée. Cependant, dans des décisions récentes, cette même jurisprudence a évolué.

C’est ainsi que dans son arrêt du 8 mars 2018, la Cour de Cassationa retenu que les locations de meublés touristiques ne correspondaient pas à la destination d’un immeuble à usage mixte professionnel/habitation. Dans cette espèce, la Cour de cassation était saisie de la question de savoir si les clauses d’un règlement de copropriété relatives à la destination de l’immeuble pouvaient faire obstacle au droit d’un copropriétaire sur ses parties privatives et plus particulièrement sur sa capacité à les transformer librement en meublés de tourisme.

La Cour de Cassation retient que « (…) attendu qu'ayant retenu qu'il résultait des stipulations du règlement de copropriété que l'immeuble était principalement à usage d'habitation, avec possibilité d'usage mixte professionnel-habitation et à l'exclusion de toute activité commerciale, ce qui privilégiait son caractère résidentiel qui était confirmé, dans sa durée et sa stabilité, par l'obligation pour le copropriétaire d'aviser le syndic de l'existence d'un bail et constaté que (les bailleurs) avaient installé dans les lieux des occupants, pour de très brèves périodes, ou même des longs séjours, dans des « hôtels studios meublés » avec prestations de services, la cour d'appel, qui en a souverainement déduit que ces rotations des périodes de location ne correspondaient pas à la destination de l'immeuble, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision. »

Plus récemment, cette même juridiction est venue confirmer sa position en rappelant qu’il pouvait être interdit dans un immeuble à usage exclusif d’habitation, dans lequel l’activité professionnelle était admise à titre accessoire, de poursuivre une activité commerciale de location de ses lots à la journée ou à la semaine.10

Ces décisions confortent l’évolution de la jurisprudence tendant vers une appréciation stricte de la conformité de ces locations avec les clauses du règlement de copropriété et la destination de l’immeuble.

Enfin la clause d’habitation, prévue par le règlement de copropriété, peut être à « usage mixte », permettant une cohabitation entre les activités professionnelles/ commerciales et l’habitation sous réserve de respecter l’affectation des lots. Dans ces derniers cas, qu’elle soit répétée ou sporadique, l’activité de location meublée de courte durée semble y être tolérée. Néanmoins cette liberté n’est pas totale car elle peut être encadrée par d’autres stipulations du règlement et les droits des autres copropriétaires.

location meublée airbnb copropriété

4 - Le règlement de copropriété peut-il prévoir une stipulation interdisant la location en meublé de courte durée ?

Le règlement de copropriété peut, dans ses stipulations, nommément prévoir l’interdiction expresse de l’exercice de l’activité de location meublée de courte durée ou tout du moins la restreindre. Toutefois, il convient de souligner que ce même règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble.11

La Cour de cassation a ainsi rappelé dans un arrêt du 8 juin 201112 que « devait être réputée non écrite la clause du règlement de copropriété soumettant la possibilité de louer son lot en meublé à l’autorisation de l’assemblée générale dès lors que l’exercice de professions libérales était permis expressément dans l’immeuble. » Elle a ainsi reconnu que ces deux activités entraînaient des nuisances identiques et qu’en conséquence une telle restriction à la location meublée n’était pas justifiée par la destination de l’immeuble.

Partant, une clause interdisant purement et simplement les locations meublées sans qu’elle puisse être justifiée par le respect de la destination de l’immeuble serait illicite. Il a ainsi été jugé qu’une clause, qui dans un immeuble de grand standing interdisait la location de chambres de service à des personnes étrangère à la copropriété était licite.13

Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble .

Loi du 10 juillet 1965, article 9

5 - Si le règlement de copropriété est taisant face à cette activité, les copropriétaires sont-ils pour autant démunis ?

Si le règlement n’interdit pas expressément cette activité, le propriétaire qui exerce ou entend exercer l’activité de location meublée de courte durée est néanmoins tenu de respecter la tranquillité de l’immeuble et les droits des autres copropriétaires. Cette activité, si elle était dans de telles circonstances, nuisibles aux autres copropriétaires pourrait être génératrice d’un trouble anormal de voisinage.

Rappelons que l’article 544 du Code Civil consacre que : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »

De plus, l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 dispose : « Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble. »

A ce titre, la Cour de Cassation rappelle régulièrement que « nul ne doit créer à autrui de trouble anormal de voisinage."14 C’est ainsi que les tribunaux ont souvent reconnu l’existence d’un trouble anormal de voisinage pour condamner certains copropriétaires, et ce, quels que soient l’affectation et l’usage de leurs lots et ce même si l’activité concernée était conforme à la destination de l’immeuble.

Retenons à titre d’illustration, que dans un arrêt du 21 mai 2014, la Cour d’Appel de Paris avait ainsi condamné le propriétaire d’un appartement à payer au syndicat la somme de 7000 euros à titre de dommages et intérêts en raison des troubles anormaux de voisinage occasionnés par son locataire15. Il est cependant important de souligner que le syndicat ne peut mener une telle action que s’il rapporte la preuve que l’ensemble des copropriétaires est affecté par ce trouble ce qui en matière de location meublés de courtes durées peut s’avérer difficile.

Le copropriétaire peut également agir seul dès lors que son seul lot est affecté par ledit trouble.16

En conclusion

L’activité de location saisonnière de courte durée de type « AIR BNB » exercée en copropriété n’est donc pas une fatalité pour le reste des copropriétaires. Le règlement de copropriété, ses stipulations et plus largement la destination de l’immeuble sont autant de freins à ses éventuels débordements. S’il advenait, in fine, qu’elle soit compatible avec le contenu des documents de la copropriété, cela ne signifierait pas pour autant une liberté totale du copropriétaire bailleur. En effet, une telle location ne saurait être à l’origine de troubles anormaux de voisinage avérés.

Notes et références

  1. Art L631-7-1 alinéa 5 du Code de la construction et de l’habitation (CCH)
  2. Art L631-9 CCH
  3. CJUE, gr. ch., 22 sept. 2020, aff. C-724/18 et C-727/18, Cali Apartments SCI et H.X c/ Ville de Paris
  4. Art. 9, 25 b, 26, 30 L1965
  5. Art.9 L1965
  6. Plus de 120 jours par an d’une résidence principale ou de manière récurrente d’une résidence secondaire
  7. Cass. CiV 3ème 8 mars 2018 14-15.864
  8. CA Lyon, 22 janv. 1969  : AJPI 1969, p. 418, note Bouyeure
  9. CA Paris, 14 nov. 1997  : JurisData n° 1997-023438  ; Loyers et copr. 1998, comm. 110
  10. Cass Civ 3ème 27 février 2020 n°18 14305
  11. Art 8 L1965
  12. Cass Civ 3ème 8 juin 2011 n°10-15891
  13. CA PARS pôle 4, 2ème Ch 15 mai 2013 : Jurisdata n°2013 008963
  14. Cass. Civ. 3eme, 13 nov.1986, Bull. Civ. III, n°172
  15. CA PARIS 21 mai 2014 n°12/17679
  16. CA PARIS 15 juin 2016 n°15/18917

A découvrir aux éditions Gualino

Pour ceux qui souhaitent aller plus loin, nous vous recommandons les deux ouvrages suivants, rédigés d'un part par Benjamin Naudin (La copropriété) et d'autre part, par Benjamin Naudin et François Sublet (La copropriété en difficulté). 

la copropriété Benjamin Naudin
Image
Benjamin Naudin
Benjamin Naudin
Benjamin Naudin
Benjamin Naudin
Avocat spécialisé en droit immobilier à Marseille

logo lodli 150Le rendez-vous hebdomadaire du média digital et podcast Les Ondes de l'Immo pour une information immobilier et logement décryptée par les décideurs influents de l'immobilier.

Nos émissions / Podcasts

Emission podcast Les Ondes de l'Immo
Emission podcast La maison de mes rêves
Emission podcast Newsroom Immo et +
S'abonner à nos émissions podcasts


Les Ondes de l'Immo

Suivez-nous sur les réseaux !

Emission Podcasts Les ondes de l'Immo
Emission Podcasts Newsroom
Emission Podcasts Les ondes de l'Immo
S'abonner à nos Podcasts
Sauvegarder
Choix utilisateur pour les Cookies
Nous utilisons des cookies afin de vous proposer les meilleurs services possibles. Si vous déclinez l'utilisation de ces cookies, le site web pourrait ne pas fonctionner correctement.
Tout accepter
Tout décliner
En savoir plus
Analytics
Outils utilisés pour analyser les données de navigation et mesurer l'efficacité du site internet afin de comprendre son fonctionnement.
Google Analytics
Accepter
Décliner