Les français sont-ils pénalisés par les divergences d'analyse ?
Les consommateurs mais aussi les professionnels de l’immobilier ont eu, ces derniers mois, quelques difficultés à suivre les débats, parfois houleux et passionnés, sur le resserrement du marché du crédit immobilier. Le débat cristallisé autour de la question du taux d’usure, s’est presque envenimé. Il a en tout cas conduit certains à prendre la plume et d’autres à aller manifester devant le siège de la Banque de France à Paris. Dans cet épisode, je reçois Pierre Chapon, fondateur du courtier digital Pretto. Pierre Chapon que j’interroge sur les causes et les effets de cette bataille des chiffres du crédit immobilier et sur les prévisions du marché du crédit immobilier en 2023.
On ne peut que déplorer l’absence d’alignement entre observateurs qui empêche l’émergence d’un consensus sur les conditions de financement du marché immobilier. Certaines sources pourtant très sérieuses et permettant de déceler des tendances tôt dans le cycle immobilier (donnée sur les passages en cautionnement, signatures de compromis), ne sont pas assez utilisées par les pouvoirs publics, empêchant des actions suffisamment rapides.
Janvier 2023 : deux analyses du bilan de l’année 2022 sur le crédit immobilier s’opposent
- La Banque de France dresse un bilan positif de l’année 2022qu’elle qualifie de “plus haut historique en dehors de l’exceptionnelle année 2021”, reconnaissant du bout des lèvres une “normalisation” sur la fin de l’année. L’institution communique ainsi sur une production totale hors renégociation de 218 milliards d’euros en 2022 (-3% vs 2021), un chiffre basé sur des estimations avancées, qui devrait être confirmé début février
- De son côté, Crédit Logement annonce, dans sa dernière étude livrée le 17 janvier, une “chute de la production de crédit qui s’est amplifiée” et qui est “plus prononcée que celle du 1er confinement, comparable à celle de 2008”. L’organisme annonce une baisse de 20% de la production de crédit par rapport à 2021.
Deux biais expliquent principalement ces écarts de perception du marché
- Une représentativité imparfaite pour Crédit Logement : L’organisme ne collabore qu’avec une partie des banques, qui représentaient moins de 50% de la production en 2021. Il ne travaille par exemple pas (ou très peu) avec certains grands groupes mutualistes. Or certaines banques parmi les partenaires de Crédit Logement ont fortement réduit la production de crédit sur la deuxième partie de l’année 2022, réduisant d’autant la représentativité des données publiées.
La chute perçue par Crédit Logement est donc plus accentuée sur le deuxième semestre qu’elle ne l’est en réalité si l’on tient compte de l’ensemble des acteurs du marché bancaire.
- Une différence de temporalité : Crédit Logement communique sur les offres accordées quand la Banque de France publie des chiffres de crédits débloqués, ce qui correspond à un écart de 2 à 3 mois dans un processus classique. Une cinétique de la chaîne de production de crédit qui s’est confirmée en 2022, la tendance communiquée par Crédit Logement se retrouvant un trimestre plus tard dans les chiffres de la Banque de France.
Des décalages d'observation qui ont eu un effet retard sur les actions pouvant être prises
Ces décalages d’observation de la réalité du marché ont retardé la prise de conscience des inefficiences, pourtant anticipées. En effet, les premiers signaux d’éviction sur lesquels nous avons alerté dès l’été se sont retrouvés par la suite dans les chiffres publiés :
- Dans les observations Crédit Logement du T3, amplifié par le mix de banques travaillant avec l’organisme
- Dans les chiffres de la Banque de France du T4 publiés en ce début d’année
Pretto envisage une légère correction avant un recul de 20 à 25% en 2023
L'étude Pretto en date du 12 janvier anticipe une baisse de la demande à horizon fin 2023 de l’ordre de 30% par rapport à 2021. Cette baisse n’a que faiblement commencé en 2022, avec une baisse des transactions de l’ordre de 5% (Source: Notaires de France) et une production de crédit hors renégociations en baisse de 3% seulement (Source: Banque de France), les prix ayant continué à augmenter dans le même temps (+5% sur l’année selon Meilleurs Agents), et malgré l’augmentation de l’apport moyen (+12% en 2022 d’après Crédit Logement). Cette baisse sera donc principalement concentrée sur 2023, année au cours de laquelle nous pouvons anticiper une baisse de l’ordre de 20 à 25%
« On ne peut que déplorer l’absence d’alignement entre observateurs qui empêche l’émergence d’un consensus sur les conditions de financement du marché immobilier. Certaines sources pourtant très sérieuses et permettant de déceler des tendances tôt dans le cycle immobilier (donnée sur les passages en cautionnement, signatures de compromis), ne sont pas assez utilisées par les pouvoirs publics, empêchant des actions suffisamment rapides » commente Pierre Chapon, Fondateur de Pretto. “A quand la fin de cette bataille de chiffres ?“ s’interroge-t-il.
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