Sans surprise, le marché du logement neuf s’enfonce dans une crise durable. Lors de sa dernière conférence de presse, la Fédération des Promoteurs Immobiliers confirme des chiffres alarmants. Sans réponse rapide et énergique du gouvernement, son Président, Pascal Boulanger, confirme qu’aucune perspective d’amélioration ne sera envisageable pour la filière, tandis que les conséquences économiques et sociales pour les Français ne se feront pas attendre. Les solutions existent pourtant. Certaines ont retenu dernièrement l’attention du premier ministre Elisabeth Borne, des ministres Bruno Le Maire et Christophe Béchu. Mais les actions se font attendre. La restitution des travaux du Conseil National de la Refondation, fixée désormais au 5 juin 2023, sera-t-elle le premier jour d’une nouvelle ère pour la politique du logement en France ? Rien n’est encore certain. Et les professionnels d’attendre que leurs propositions soient entendues.
A l’heure de la réindustrialisation, la question du logement des salariés devient prégnante. Or, la quasi-disparition d’une offre locative nouvelle hypothèque la capacité des entreprises à recruter, les candidats à l’embauche ne disposant pas d’une offre de logements suffisante. Continuer à produire des logements est un préalable vital à une réindustrilisation réussie.
Des difficultés inextricables sur l’offre et la demande : la paralysie est complète
Pour ce premier trimestre 2023, la filière du logement neuf publie des chiffres mauvais et tenant au record. La baisse de l’offre (mises en vente) atteint 24,8%. Des chiffres dont la seule qualité est de battre le record de l’année covid et de devenir tristement historiques. Avec seulement 16 912 lancements commerciaux, le niveau est bas, très bas. Du jamais vu depuis la création de l’Observatoire de la FPI en 2010.
Les raisons expliquant la baisse sont multiples et s’agrègent pour mieux confirmer la catastrophe. Parmi ces raisons, une chute de la délivrance des permis de construire. Il y a clairement un avant et un après les municipales de mars 2020. Après les élections, les maires dont les décisions ne sont finalement que le reflet des souhaits profonds des Français, ont autorisé bien moins de permis de construire. Les Français ne veulent plus qu’on construise près de chez eux ? Leur désir profond est exaucé avec environ 2000 logements par mois qui ne plus autorisés par rapport à la période précédente.
Autre raison : le report ou l’abandon d’une opération sur cinq. Les ménages inquiets se désistent rapidement, c’est-à-dire dans un délai de deux à trois jours après la signature de la réservation. Pour le reste, les difficultés d’accès au crédit sont réelles. Les refus bancaires constituant près de la moitié des désistements. Restent les causes structurelles. Blocages variés liés aux règles édictées par le HCSF (Haut Conseil de Stabilité Financière) et une rigidité certaine sur la notion de « reste à vivre ». Blocages typiquement français avec des textes difficilement compréhensibles parfois et critiqués par les professionnels. Pour exemple, la réforme du dispositif Pinel avec la création du Pinel +, aux critères mal rédigés, rend le dispositif inopérant.
Le blocage du marché locatif sera parfait, tout comme les conséquences économiques graves
On connait désormais les difficultés du marché locatif dans l’ancien sous la menace des obligations de rénovation énergétique. On entend désormais que les ventes aux investisseurs particuliers dans le neuf ont reculé de 52,3% au premier trimestre 2023, alors que « la proportion des achats de logements des particuliers se partageait jusqu’alors également entre accession et investissement. Dorénavant, la répartition est de 66% pour les accédants et 33% pour les investisseurs. Or, ces derniers contribuent très largement au lancement des programmes, en se positionnant plus tôt que les accédants. Leur forte diminution compromet le lancement des programmes mixtes. », annonce la FPI. Si les ventes en bloc ne sont, quant à elle en retrait que de 7,9%, qu’on ne s’y trompe pas. Le chiffre ne vient que confirmer et continuer un très net recul déjà intervenu en début d’année 2022 et ce n’est pas la l’acquisition annoncée par la Caisse de Dépôts de 17 000 logements destinés à la location intermédiaire et sociale sur 2023 qui modifiera grandement la donne. Bref, les investisseurs n’ont plus confiance et tandisq que l’ancien retire peu à peu de son parc immobilier des logements au nom de la performance énergétique, l’investissement dans le neuf ne séduit plus. Une attrition extrêmement grave du marché locatif se confirme donc.
Le logement manque gravement en France. Reprenant son expression fétiche, Pascal Boulanger le répète : « Le logement, ce malade chronique vient d’arriver aux urgences. » Mais le logement n’est pas le seul malade dans l’histoire. Marché du travail ralenti par manque de mobilité des salariés en poste ou candidats à de nouvelles fonctions. Filière du bâtiment commençant à annoncer des suppressions massives de postes. Filière de la promotion qui, elle-aussi, pourrait s’enfoncer dans l’engrenage infernal des suppressions de postes et de la perte subséquente des savoirs-faires et de la capacité de production.
En attente de réponses énergiques du gouvernement, les promoteurs immobiliers attendent des décisions et des actions. Ils multiplient les rendez-vous au sein des ministères et font des propositions d’ordre fiscal et bancaire notamment. Pris au piège dans un brouillard épais que le gouvernement ne semble pas vouloir combattre, la filière est dans l’expectative. Le 5 juin 2023, date programmée de la restitution des conclusions du Conseil National de la Refondation, sera donc une date décisive. « Nous reprendrons notre liberté de parole si la montagne accouche d’une souris », conclut Pascal Boulanger.
Le gouvernement doit prendre la mesure que certaines décisions prises alors que la demande était forte et soutenue s’avèrent, avec le retournement du marché, totalement contreproductives. Il est vital de revenir sur ces décisions pour éviter de s’enfoncer encore plus dans la crise : adaptation des critères du Haut conseil à la stabilité financière, retour au Pinel classique notamment.
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