Nicolas De Rycker

Le recul du trait de côte transforme-t-il la valeur de résidences secondaires ainsi que la notion de propriété ? Par Nicolas De Rycker

Quid de la valeur d’une propriété située à proximité de la côte et au futur incertain ?

La question se pose, suscitées par la multitude des exemples à relever, ici et là sur notre territoire. Pensons aux polders redécouverts à l’occasion de grandes inondations comme celles qui ont touché le Pas de Calais par exemple. Nous avons vu, autre exemple, le fameux immeuble « LE SIGNAL » situé sur la côte atlantique à Soulac-sur-Mer, construit à une époque à laquelle il était perçu comme luxueux puisque résidence en bord de plage, dans un grand plan d’urbanisation côtière en 1967, ce qui n’est pas si ancien. En cinquante ans, l’immeuble n’a pas bougé, mais la mer s’est rapprochée de 200 mètres, scellant le sort de cet immeuble. Aujourd’hui, la commune connait un boom immobilier depuis les confinements de 30 à 40%.

Nous voyons même, j’en ai été témoin, de nouvelles constructions toujours plus proches de plages. La preuve vivante est la commune du Grau D’Agde qui voit encore des constructions en bord de mer. Il est à remarquer d’ailleurs que certaines communes sont très connues pour leurs maisons sur pilotis à l’exemple de Gruissan et ses chalets alors que certains maires du Calaisis font démolir les chalets de plage traditionnels. Les calanques marseillaises, célèbres, attirent toujours plus ainsi que leurs petits villages engoncés qui craignent le tourisme de masse.

Quelle est donc la valeur d’une résidence en bord de mer ?

Nous ne constatons pas, à ce jour, de dévaluations importantes de biens situés en proximité de plages. Nous constatons pour l’instant un maintien des prix de vente, voire encore certains prix d’exception. Les communes célèbres le restent et attirent toujours plus de touristes, comme le lac d’Arcachon, le Pays basque, et nombre de communes littorales méditerranéennes. La notion de prix ne bouge donc actuellement pas ou de manière si discrète que l’on ne s’en rend pas encore compte.

Les propriétaires qui engagent une procédure d’indemnisation contre l’État ont été indemnisés à hauteur de 70% de la valeur de leur bien.

recul du trait de côte

L'exemple des polders

Il est pourtant à noter que lors des grandes inondations des polders redécouverts dans le nord de la France, des agents immobiliers se sont interrogés sur la valeur à donner aux biens situés dans ces polders (On peut lire les archives du journal LA VOIX DU NORD). Il est aussi à noter que les propriétaires qui engagent une procédure d’indemnisation contre l’État ont été indemnisés à hauteur de 70% de la valeur de leur bien (Jurisprudence le SIGNAL, Conseil d’État).

La valeur questionnée

Certains commencent donc à se poser la question de la valeur, alors que les ventes, si elles fléchissent en quantité du fait de la crise actuelle, ne fléchissent pas vraiment en termes de hauteur de prix. On constate, de plus, que la valeur envisagée de rachat de propriétés par l’État est actuellement pour les 1000 propriétés visées, celle de revente sur un marché normal. Se pose tout de même la question de la justification d’un rachat par l’État alors que les propriétaires connaissent le futur incertain de leur bien. Des experts reconnus commencent à poser la question, considérant au surplus que l’horizon est à brève échéance. 2028 !

Quid de la notion de propriété ?

Je me pose donc la question suivante. La notion de propriété est-elle en train d’évoluer. Cette transformation est-elle entrée plus vite que l’on ne l’aurait escompté dans la tête de nos concitoyens et celle des acheteurs étrangers ?

Si l’on se réfère à l’Histoire immobilière, on constate que beaucoup de français ont acheté dans le but, d’une part de ne plus payer de loyer et d’avoir un capital pour l’avenir, et de transmettre, faire vivre et voir s’amplifier une fortune familiale, et donc de construire un capital pour aider leurs générations suivantes d’autre part.

Or, si l’on étudie les projections actuelles de recul de trait de côte, on constate tout d’abord que ces projections concernent tout de même un quart du littoral. (Il est à ce titre intéressant de consulter le site internet du Morbihan). Rappelons aussi que, depuis 1960, on a déjà perdu environ 30km² de terres, soit un terrain de football tous les trois jours. On s’aperçoit aussi que certaines projections concernent 2028 (demain), 2050 (après-demain) puis 2100, petit cadeau pour nos enfants…. On s’aperçoit même qu’une ville comme Lille, actuellement située à 70 km de la mer, ne sera qu’à environ 35km de cette même mer dans environ 50 ans.

Tout ceci me conduit à écrire ici que la notion de propriété évolue. Les Français ont intégré sans même protester (ce qui est pourtant une gageure) le fait de la disparition prochaine de nombreux biens, de nombreux terrains, de nombreuses villes. Si vous ne me croyez pas, je vous parlais de l’immeuble LE SIGNAL, je pourrais aussi vous parler de la commune de Ault (située dans la Somme) dont certaines maisons ont déjà été « gouté » la température de l’eau), mais aussi de certaines communes méditerranéennes dont les propriétaires occupants bâtissent eux-mêmes des remparts contre l’eau ou du moins ce qu’ils croient en être.

Depuis 1960, on a déjà perdu environ 30km² de terres, soit un terrain de football tous les trois jours.

recul du trait de côte

Quelles évolutions du droit de propriété ?

Je le disais plus haut, les Français ont longtemps pensé transmettre. Ils n’y pensent plus pour certains. Ils ont intégré le fait que leur bien ne leur survivra sans doute pas. Je suis personnellement un bon exemple de cela. Mes parents ont acheté un bien sur une commune du littoral héraultais dont les environs sont déjà touchés par l’érosion côtière. Les Français ont, j’en suis convaincu, intégré l’idée que leurs achats immobiliers situés sur les côtes (et dans certains polders) sont faits à l’aune de leur propre vie (et parfois moins longtemps), et non pour les générations suivantes. Ils sont maintenant prêts à payer cher (fort cher parfois) pour profiter, leur vie durant, d’une chose qui ne leur survivra pas. Aucun mouvement social ne surgit pour le moment, aucune contestation de l’inaction de l’Etat qui ne fait qu’indemniser partiellement puis renaturer mais ne propose aucune solution technique et n’en cherche d’ailleurs pas). Aucune contestation enfin du fait que les collectivités locales ne font que constater.

Ceci me conduit à écrire que la notion de propriété évolue dans notre pays, à l’image de certaines grandes fortunes de ce monde qui transmettent leur fortune à une institution caritative en quasi-déshéritant leurs enfants. Nous passons donc d’une notion de propriété à transmettre à une notion de propriété pour la durée de sa propre existence et non au-delà. Une propriété passagère, à l’image des concessions de cimetières, soit des locations à long terme. La propriété sur le littoral et dans les polders se rapprocherait donc de la notion de location. Location d’un emplacement à horizon d’une seule vie, peu importe les enjeux de la génération future. C’est étonnant, peut-être éloquent et réel ainsi que le montrent les données actuelles sur l’érosion côtière. La propriété, dans ces cas, devient donc la location à long terme d’un emplacement.

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Nicolas De Rycker
Nicolas De RyckerContributeur
Nicolas De Rycker
Nicolas De RyckerContributeur
Agent immobilier lillois – Auteur de "Prospection et Evaluation immobilière : Les clés de l'efficacité" paru chez DUNOD

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