Note juridique
Les charges de copropriété constituent la colonne vertébrale de la gestion collective d’un immeuble. Mais lorsqu’il s’agit de charges liées à des postes aussi essentiels que l’eau ou le chauffage, les enjeux se renforcent puisque sont en jeu, par exemple, le confort des copropriétaires et la sécurité financière du syndicat. Ce sont également des charges qui cristallisent des tensions et mènent régulièrement à des impayés. Il est donc utile de se demander comment bien appréhender ces postes de charges et comment réagir en cas de défaillance des copropriétaires à vouloir les régler.
Dans cet article, vous trouverez les clés pour mieux comprendre les problématiques qui peuvent exister, les principes directeurs et les réponses pouvant être apportées aux contestations des copropriétaires.
Les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d’équipement commun en fonction de l’utilité objective que ces services et éléments présentent à l’égard de chaque lot, dès lors que ces charges ne sont pas individualisées. Ils sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l’entretien et à l’administration des parties communes, générales et spéciales, et de verser au fonds de travaux mentionné à l’article 14-2 la cotisation prévue au même article, proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots, telles que ces valeurs résultent des dispositions de l’article 5.
Les charges d’eau et de chauffage se distinguent par leur nature mais également par la manière dont elles sont réparties.
En principe, ces charges dites « de services collectifs » sont réparties en fonction de l’utilité que chaque lot en tire, ce qui implique souvent un système de comptage ou d’estimation.

Sur les charges de consommation d’eau
L’eau froide peut être facturée de manière collective ou individualisée via des compteurs divisionnaires. En cas de consommation collective, la répartition se fait en fonction de critères fixés par le règlement de copropriété. Avec l’individualisation, les consommations sont relevées et facturées plus précisément, mais cela nécessite un système de relevé fiable et une régularisation annuelle.
1. En cas d’absence de compteur d’eau
S’il n’existe pas de compteurs individuels ni de précision au sein du règlement dencopropriété, la jurisprudence constante admet, comme pour le chauffage, que la répartition soit calculée en fonction des tantièmes de copropriété en tant que satisfaisant au critère de l’utilité.
Ainsi, les charges de consommation d’eau froide sont dues pour l’ensemble des copropriétaires, quelles que soient la consommation et l’utilité de l’équipement par chacun. Seule une assemblée générale peut alors décider d’une répartition différente. Par exemple, en l’absence d’une telle assemblée, la répartition par tantièmes s’impose même aux copropriétaires ayant installé des compteurs individuels dans leurs parties privatives.
2. En cas de présence de compteur d’eau
Les charges relatives aux consommations relèvent du critère de l’utilité.
En principe elles sont donc calculées en fonction de la consommation réelle. Si les lots sont effectivement équipés de compteurs d’eau la solution est simple, la répartition des dépenses est faite d’après la consommation relevée pour chaque local privatif (CA Aix-en-Provence, 13 nov. 1990 : JurisData n° 1990-052141). Malgré la présence des compteurs d’eau, des litiges peuvent exister, les problématiques suivantes sont les plus récurrentes.
Hypothèse n°1 – des copropriétaires peuvent affirmer que la consommation indiquée est erronée, trop importante par rapport à ce qu’ils estiment consommer.
Le 7 février 2019 (n°17-21.568), la Cour de cassation a réglé cette question des contestations des consommations d’eau :
- En l’espèce, la cour d’appel avait conclu que l’enregistrement du compteur ne vaut pas preuve absolue de la consommation mais constitue une présomption simple et que le copropriétaire ne pouvait pas avoir consommé 5 fois plus d’eau que ses voisins.
- La Cour de cassation a quant à elle estimé : « Qu’en statuant ainsi, alors qu’il incombait à Mme Z… de justifier des éléments de nature à renverser la présomption d’exactitude des relevés du compteur, la cour d’appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ».
Ainsi, dès lors que le syndicat produit les relevés de consommation d’eau, il appartient au défendeur de rapporter la preuve par des éléments techniques que les relevés sont erronés.
Hypothèse n°2 – le copropriétaire refuse de laisser l’accès à son compteur d’eau
Lorsqu’un copropriétaire refuse l’accès à son compteur, le syndicat peut lui imputer un quantum de charges forfaitaire, pourvu qu’il corresponde à une consommation raisonnablement estimée (Ca Paris, 09.03.2011 n° 10/02848 ; Cass. 3eme civ 09.05.2007 n° 06-12.387) . Il convient de noter que dans cet arrêt, la Cour de cassation indique que le copropriétaire est seul responsable du préjudice subi.
Par ailleurs, si le copropriétaire débiteur n’a pas transmis son relevé de compteur, il a été jugé que le syndic est fondé à calculer les charges par application des millièmes (Cass.3e civ.11.05.2017, n° 16-15.625). Ainsi, en l’absence d’accès au compteur d’eau d’un copropriétaire, le syndicat est en droit de déterminer sa consommation d’eau par l’application d’un forfait ou des tantièmes.

Sur des charges de consommation de chauffage
Les charges de chauffage sont soumises au critère de l’utilité.
1. En présence d’un compteur individuel
Dans le cas où l’immeuble est équipé d’appareils de mesure permettant l’individualisation des frais de chauffage il suffit de se rapporte au relevé de consommation individuelle à l’instar des charges d’eau.
Depuis la réglementation sur l’individualisation des frais de chauffage (notamment la loi ELAN), tout immeuble en copropriété équipé d’un système de chauffage collectif ou d’une centrale de froid doit avoir une installation permettant de déterminer la consommation de chauffage ou de refroidissement de chaque logement. Cela suppose l’installation de répartiteurs ou de compteurs de chaleur. Ces dispositifs peuvent générer des litiges du fait notamment de relevés inexacts, de mauvaise répartition, de charges estimées en cas de panne etc.
Des contestations sont souvent soulevées à l’encontre de ce poste de charges par les copropriétaires qui refusent alors de régler les charges qui leur sont imputées à ce titre. À l’instar des litiges relatifs aux charges d’eau, il n’est pas rare que certains copropriétaires refusent de permettre l’accès aux répartiteurs de chauffage installés dans leurs lots. Dans ce cas, la jurisprudence a été amenée à se prononcer sur la possibilité pour l’assemblée générale d’imposer un forfait de consommation au copropriétaire récalcitrant.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 7 juillet 2016 (n° 14-16.694), a considéré que ni le syndic ni l’assemblée générale ne peuvent librement imposer un forfait dérogatoire au principe légal de répartition fondée sur la consommation réelle, sauf disposition expresse et conforme au cadre légal.
Il résulte de cette jurisprudence que toute sanction ou mesure compensatoire liée à l’absence de relevé doit être :
- justifiée par des éléments objectifs,
- proportionnée à la situation,
- et conforme aux règles légales et au règlement de copropriété.
À défaut, une telle décision peut être annulée, y compris lorsque le délai de contestation de l’assemblée est expiré, dès lors qu’elle porte atteinte à une règle d’ordre public. Il faut donc être très prudent en cas de détermination des consommations en l’absence de relevé.
De façon générale, en cas de contestations des copropriétaires, il convient pour le syndicat de justifier des modalités de la consommation appelée en produisant notamment le calcul retenu pour la consommation individuelle, les justificatifs des consommations d’eau, l’appel de répartition des charges ainsi que le relevé général des dépenses de l’immeuble.
2. En cas d’absence de compteur individuel
En cas d’absence de compteur individuel, il faut se référer au règlement de copropriété et la répartition peut s’opérer selon les critères suivants :
- la surface de chauffe ou la puissance calorifique des éléments chauffants installés dans les parties privatives ;
- la surface utile de chaque lot, lorsque la hauteur sous plafond est la même pour tous les locaux concernés ;
- le volume chauffé des locaux, afin de tenir compte de la hauteur sous plafond.
La loi n’impose aucune technique de répartition. Les copropriétaires contestent ces charges en invoquant plusieurs arguments. Par exemple, un copropriétaire peut affirmer que son chauffage ne fonctionne pas ou qu’il ne l’utilise pas.
Dans ce cas, il convient de rappeler que le copropriétaire a l’obligation de payer les charges qu’il utilise, ou non, le chauffage collectif.
En effet, la notion d’utilité inscrite dans la loi vise une utilité objective, indépendantes de l’usage réel, effectif, que chaque copropriétaire fait du chauffage.
Dès lors qu’un lot est desservi par un système de chauffage, son propriétaire est tenu de participer aux charges, peu importe s’il ne profite pas de ce service ou en bénéficie moins que d’autres copropriétaires. Enfin, il convient de justifier de la régularité de l’appel de ces charges.
Un article rédigé par Maîtres Bénédicte Duruy et Abraham Dieme – Avocats collaborateurs Cabinet BJA Avocats

