Interview
La question des sommes réclamées par le syndicat des copropriétaires
Nous avons reçu Charles Bohbot que vous avez désormais l’habitude d’entendre sur ces ondes pour un point juridique qui sera utile à nos amis syndics et copropriétaires. Le sujet sera celui du recouvrement des charges de copropriété, dans le cadre de la procédure accélérée au fond prévue à l’article 19-2 de la loi de 1965. La question sera de savoir comment on rédige la mise en demeure et quel doit être son contenu, notamment sur le détail des sommes réclamées par le syndicat des copropriétaires. Un sujet suscité par un avis rendu par la Cour de cassation en décembre 2024.
Pour savoir où on va, il faut savoir d’où on vient. Cette procédure accélérée a été conçue comme une arme fatale pour faciliter, accélérer le recouvrement des charges. Juste un élément de contexte : dans certaines copropriétés, on assigne tous les ans les mêmes copropriétaires récalcitrants, récidivistes (mais on me dit de ne plus dire cela), donc disons des personnes au malaise social chronique, c’est plus acceptable. Ces copropriétaires font peser le temps long de la procédure et le coût car les juges ont une vision restrictive des frais….
C'EST À LIRE
La Cour de cassation précise les conditions de rédaction de la mise en demeure dans le
cadre de la procédure 19-2 de la loi de 1965
Commentaire de Paul Boscher – Cabinet BJA Avocats
Le 12 décembre 2024, la Cour de cassation a rendu un avis important concernant les modalités de rédaction de la mise en demeure pour initier la procédure prévue à l'article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965.
Rappel sur la procédure 19-2 de la loi du 10 juillet 1965
La procédure dite « 19-2 » permet aux syndicats de copropriétaires de réclamer les provisions sur charges à venir, qu'il s'agisse du budget prévisionnel, des travaux hors budget prévisionnel ou encore de la cotisation au fonds de travaux aux copropriétaires défaillants après mise en demeure restée infructueuse pendant une période de 30 jours.
La volonté était de sécuriser la trésorerie des copropriétés face aux copropriétaires récalcitrants notamment dans la perspective de travaux important.
Les apports de l’avis du 12 décembre 2024
La loi du 10 juillet 1965 ne précise aucune condition particulière concernant la rédaction de la mise en demeure nécessaire pour initier cette procédure.
L’arrêt de la Cour de cassation est venu imposer à ce que la mise en demeure indique « avec précision la nature et le montant des provisions réclamés au titre du budget prévisionnel de l’exercice en cours ou des dépenses pour travaux non comprises dans ce budget ». Ainsi, les mises en demeures devront détailler les sommes réclamées par le syndicat des copropriétaires en distinguant les appels prévisionnels des autres sommes réclamés et notamment des dépenses travaux. La distinction des sommes dues devra concerner à la fois l'arriéré de charges et les montants non encore échus, qui seront réclamés en cas de mise en demeure demeurée sans effet.
Les sanctions de l’irrégularité de la mise en demeure
La Cour de cassation rappelle toutefois, dans le rapport de l'Avocat général, que la sanction de fin de non-recevoir doit être privilégiée en cas d'irrégularité de la mise en demeure.
Cela permettra ainsi au syndicat des copropriétaires d'éviter que l'autorité de la chose jugée ne lui soit opposée lorsqu'il souhaitera réengager une procédure.
Les motivations de la Cour de cassation
Dans son rapport, l’Avocat général évoque la dérive des mises en demeure des syndicats de copropriétaires ne mentionnant qu’un montant global d’impayés venant dénaturer l’esprit de la procédure 19-2.
Il convient de rappeler que le défendeur a été convoqué à toutes les assemblées générales, a reçu les procès-verbaux, ainsi que les appels de fonds, les appels de travaux et les régularisations des charges de copropriété.
Le montant global des impayés, évoqué par l’Avocat général et mentionné dans les courriers de mise en demeure, n’en est que la résultante. Par ailleurs, l'objectif initial de la procédure 19-2 était de simplifier et d'accélérer le recouvrement des charges de copropriété. La répartition des sommes demandées dans le cadre de la mise en demeure ne semblait pas correspondre à l'intention du législateur. Il apparaît donc que cette production jurisprudentielle et les rapports qui l’entourent avaient davantage pour objectif de désengorger le juge de la procédure accélérée au fond que de résoudre le problème des impayées de charge de copropriété.

