Tribune de Danielle Dubrac - Présidente de l’Unis
Décidément ce projet de loi de finances pour 2025 est le budget de tous les dangers et de toutes les incohérences.
Alors que le Premier ministre s’était engagé dans sa copie initiale à trouver 60 milliards d’économie pour les deux tiers dans de moindres dépenses et pour un tiers par la hausse de la fiscalité, le débat parlementaire fait insensiblement dériver la trajectoire : les députés font preuve de toute l’inventivité du monde.
S’agissant du logement, il est à la fois désigné comme une priorité de l’action publique, et identifié comme une cible fiscale facile. Il n’a pourtant pas besoin qu’on accroisse les impôts et taxes qui l’affectent… Les chiffres comparatifs de l’OCDE sont éloquents à cet égard. La fiscalité du logement française se caractérise par un niveau comparativement élevé en part de PIB (2,2% en 2021 contre 1,8% en moyenne dans les autres pays), ou même en part des prélèvements obligatoires, pour laquelle nous sommes en 4e position sur 34 pays, avec un taux de 7,8% contre 4,8% ailleurs en moyenne.
Au mépris de ces réalités déjà douloureuses, les parlementaires veulent pour certains charger la barque, et les flèches viennent de tous bords. Deux périls menacent les ménages dans leur rapport au logement, l’un visant l’acquisition, le second la cession.
Il s’agit d’abord de faire droit à une demande des départements d’augmenter leur part des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ....
Inaudible, hors de propos. Comment les acquéreurs, désolvabilisés par la hausse des taux d’intérêt, par l’augmentation générale du coût de la vie due à l’inflation et fragilisés par des circonstances économiques dures pourraient-ils supporter plusieurs centaines ou plusieurs milliers d’euros de plus lors d’un achat ? Faut-il ignorer la réalité des Français pour seulement exprimer ce projet fiscal ?
L’autre idée n’est pas plus recevable : la résidence principale, jusqu’alors exonérée de taxation de plus-value au moment de sa cession, y serait désormais assujettie pour les ventes dans les cinq années suivant l’acquisition. En dehors de l’intention d’accroître les rentrées d’argent pour combler le déficit abyssal de l’État, comment justifier cette ponction de plus sur les ménages ? Or un impôt inexplicable en termes de justice économique et sociale n’est pas admis par les contribuables. Il est temps que ceux qui nous gouvernent s’intéressent à l'acceptabilité par la population de leurs décisions. Pourquoi une telle taxation est-elle inacceptable ?
On a d’abord oublié que la propriété de la résidence, à laquelle les ménages n’accèdent qu’au prix d’efforts importants d’épargne et de remboursement d’emprunt, constitue un ascenseur social, aussi grâce à la plus-value de cession exonérée de taxation. Au demeurant, cette plus-value permet aux individus et aux familles de progresser dans leur vie personnelle en réemployant le fruit de leur vente dans l’achat d’un logement adapté à un foyer agrandi, ou encore à la mobilité professionnelle. Toute taxation aura pour effet de ralentir sinon d’empêcher la réalisation des projets. Il ne s’agit pas d’un enrichissement stérile, mais d’un ressort essentiel de l’évolution des ménages. Il est clair que l’amputation par la fiscalité d’une partie de la plus-value dissuadera les Français, et les plus jeunes d’entre eux, qui ont besoin de faire leur chemin et d’en avoir les moyens, d’accéder à la propriété. La décision publique les mènera ainsi à ne pas préparer leur avenir, et en particulier à se sécuriser et à anticiper sur l’après-activité et la retraite. Un recul social préjudiciable.
On notera aussi qu’une partie de cette plus-value est déjà en quelque sorte confisquée par les droits de mutation à titre onéreux, improprement appelés « frais de notaire », qui constituent près d’un dixième de la valeur du bien racheté. Elle absorbe également les frais attachés à changement de logement, pour l’équipement ou encore les travaux de rénovation, notamment énergétique.
Il est prévu en outre de limiter cette taxation aux reventes intervenant dans les cinq ans suivant l’achat. On notera que les reventes précipitées — la durée moyenne de détention d’une résidence principale s’établit autour de huit ans — sont causées par des accidents déjà dommageables aux ménages, séparations, décès ou perte d’emploi. Faut-il pénaliser davantage les personnes concernées ? Toutes ces situations nécessitent qu’elles se reclassent et se relèvent. Elles n’en peuvent supporter plus. Elles sont loin de spéculer sur la propriété et de mériter d’être sanctionnées par une ponction fiscale. Quant à l’idée que cette taxation des reventes précoces pourrait inciter les propriétaires à stabiliser le patrimoine, elle n’a aucun sens pour la résidence principale : un ménage en change lorsque des événements de la vie l’y conduise, et non lorsqu’il le décide arbitrairement. La mobilité résidentielle est une nécessité… et une aubaine pour les finances publiques : à chaque opération de revente et d’achat, des droits de mutation à titre onéreux sont perçus, ou de la TVA en cas d’acquisition de logements neufs.
Il faut enfin avoir l’honnêteté de dire que les accédants contribuent par leurs impôts et leurs taxes à donner aux élus et à l’État les moyens financiers de rehausser l’attractivité d’un territoire, d’une ville. Ils sont mêmes les agents économiques, avec les entreprises, qui constituent la richesse à l’origine des infrastructures, des équipements et du développement de nos collectivités locales et du pays.
En somme, ce projet de taxation des plus-values de cession des résidences principales est absurde et nocif. Il témoigne du plus souverain mépris des classes moyennes, pour qui la propriété du logement est un espoir et une chance. Les pouvoirs publics les désignent simplement comme des cibles fiscales faciles, quitte à les écœurer d’acquérir et de détenir le bien immobilier où l’on vit. La plus-value, lorsqu’elle s’exerce, est un mécanisme générateur de richesse au bon sens du terme : elle crée les conditions du réinvestissement par les ménages et du rayonnement de nos villes et de nos territoires. Il est urgent que gouvernement et parlement le comprennent.
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