La nouvelle ministre Valérie Létard, dont la nomination a été unanimement saluée, prend ses responsabilités sous une pression sans précédent dans la cinquième République : elle hérite d’un secteur d’activité épuisé, dont tous les segments sont affaiblis, la production neuve certes, mais aussi la transaction et la rénovation environnementale, et elle incarne par ses compétences et son engagement sur le logement depuis toujours un espoir de rédemption considérable.
Les enjeux sont immenses. Dès sa première apparition publique, lors du récent Congrès HLM, elle a réussi à donner aux acteurs présents - j’en étais -, responsables du logement social comme du parc privé, un sentiment d’estime qu’ils avaient perdu depuis bien longtemps. Elle a d’ailleurs pu l’exprimer parce que le Premier ministre lui avait préalablement confié un ministère de plein exercice, sans dépendance à un autre ministère comme par le passé; en lien direct avec lui : la preuve de l’importance accordée au logement et à la rénovation est lisible dans le titre de Valérie Létard et dans sa place dans l’organigramme gouvernemental: elle y occupe le milieu du tableau, quand ses prédécesseurs était dans les profondeurs du classement, le plus souvent dernier ou avant-dernier.
Il n’y a pas d’amour. Il n’y a que des preuves d’amour.
"Un discours ministériel témoignant de la conscience de la gravité de la situation et du poids des enjeux était vital."
Dans une période aussi difficile pour les entreprises de l’immobilier, où les défaillances atteignent un niveau inédit, où surtout les ménages français peinent plus que jamais à trouver une solution pour se loger, qu’il souhaitent acquérir ou louer, un discours ministériel témoignant de la conscience de la gravité de la situation et du poids des enjeux était vital. La ministre l’a assorti de grandes précautions politiques, qui font craindre qu’il y ait loin de la coupe aux lèvres… Elle a demandé la mobilisation de toute la filière derrière elle pour convaincre Matignon et Bercy. Le budget du logement pour 2025 doit refléter la place que le Premier ministre et sa ministre du logement et de la rénovation urbaine lui accordent. On ne peut parler de priorité et ne pas doter le logement à bonne hauteur. Certes, la politique ne se résume pas à l’argent, mais accompagner et resolvabiliser les ménages est une condition de la relance, tant de l’accession que de l’investissement locatif et de la transition environnementale du parc. Il ne s’agit pas pour les organisations professionnelles d’être irresponsables face au déficit public abyssal du pays et à l’impérieuse nécessité de le réduire : sans cet effort, auquel tous les secteurs doivent participer, les marchés financiers ne nous accorderont plus leur confiance et la baisse des taux, salutaire pour les ménages désireux de devenir propriétaires, sera enrayée. On rappellera juste que le logement a doublement contribué depuis sept ans à l’orthodoxie budgétaire et n’a rien à se reprocher: au cours de la période, il a consenti près de dix milliards d’efforts pour s’établir à 37 milliards, le niveau le plus bas de son histoire. En outre, il a rapporté chaque année à l’État deux fois et demi ce qu’il lui était consenti d’aides, en particulier parce que la fiscalité qui lui est applicable est très élevée.
Au passage, une mission de Madame Létard consiste à épargner aux propriétaires et aux producteurs de logements, privés et sociaux, toute hausse de la fiscalité. Le secteur ne le supporterait pas. Pour le marché résidentiel existant, il faut notamment ne pas maltraiter les collectivités locales, pour qu’elles ne soient pas tentées d’augmenter les taxes à leur main, et plutôt qu’elles les tempèrent et les allègent. Ainsi, les droits de mutation à titre onéreux, dont le niveau en France est le plus élevé de tous les pays de l’OCDE, pénalise d’évidence à les primo-accédants : les banques ne les financent plus, et ils représentent près d’un dixième du montant d’une opération ! Il faut également que les outils d’aide à la rénovation écologique allègent la facture travaux des ménages et que leur reste à charge ne les dissuade pas de faire. Le projet du gouvernement de réduire encore l’enveloppe de MaPrimeRénov ou celle dévolue au CEE (certificats d’économie d’énergie) est inacceptable, comme de ne pas reconduire la possibilité de monogestes de rénovation, est inacceptable. Disons-le sans ambage : sans aides suffisantes, la mutation écologique n’aura lieu ni dans les copropriétés ni dans les logements locatifs - qui les composent en grande partie-, avec le risque avéré d’attrition de l’offre de locations.
Enfin, œuvrer à ne pas perdre une partie du parc locatif en en permettant la rénovation, n’est pas suffisant : les files d’attente de logements HLM comme privés en attestent. Les circonstances économiques dures empêchent des dizaines de milliers de Français d’accéder et ils se reportent sur le marché de la location, qui suffoque. Proposer aux investisseurs un régime fiscal stable, autorisant l’amortissement du bien, plus rapide si le logement est performant énergétiquement ou que loyer est plus accessible, et la déductibilité totale des charges d’exploitation n’est plus une option. C’est une urgente nécessité. Le récent rapport d’Annaïg Le Meur, députée du Finistère, commandé par l’exécutif, démontre la trop faible attractivité économique de l’investissement locatif privé. C’est le plus puissant plaidoyer pour un cadre fiscal reconnaissant des risques pris par les investisseurs pour loger les ménages et remplir ainsi une mission d’intérêt général.
Conclusion
Le logement ne se contentera pas de discours cette fois. Le budget qui sera présenté au parlement, dans deux jours, le 9 octobre prochain, devra prouver l’estime que la ministre affiche pour la cause qui vient de lui être confiée. Elle peut compter sur le soutien de la filière, mais elle ne doit pas oublier cette phrase du poète Pierre Reverdy : « Il n’y a pas d’amour. Il n’y a que des preuves d’amour. »
Présidente nationale du 1er syndicat professionnel d’administrateurs de biens immobiliers UNIS
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