Juridique
L’assurance multirisque immeuble (aussi appelée MRI), représente une protection essentielle pour les propriétaires et copropriétaires.
Cette assurance couvre l’ensemble des parties communes du sous-sol jusqu’à la toiture (caves, halls d’entrée, escaliers, canalisations), les annexes (parkings, extérieurs) ainsi que les équipements collectifs (ascenseurs…). Les garanties sont modulables selon les caractéristiques spécifiques du patrimoine immobilier à protéger.
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Parmi les garanties essentielles, on distingue :
- La protection contre divers risques tels que les incendies, dégâts des eaux, catastrophes naturelles ou actes de vandalisme…
- L’assurance contre les risques de responsabilité civile : couverture des dommages causés à des tiers du fait de l’immeuble et des parties communes (chute d’un balcon, infiltrations, etc.).
Fondements légaux de l’obligation d’assurance
L’enjeu est important dans la mesure où l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 pose le principe d’une responsabilité de plein droit du SDC, qui est automatiquement engagée dès que le dommage trouve son origine dans les parties communes.
L’article 9-1 de la loi (créé par la loi ALUR du 24 mars 2014) prévoit une obligation d’assurer le SDC contre les risques susceptibles d’engager sa responsabilité civile. Cette obligation répond à une volonté de protection des personnes sinistrées, ainsi que du syndicat des copropriétaires lui-même. Dans certains cas (incendie ou dégât des eaux), l’importance des dommages causés par les parties communes de l’immeuble peut impliquer le paiement de sommes considérables…
Pourtant, il est courant de voir figurer dans les conditions générales des polices d’assurance une clause d’exclusion de garantie, pour écarter la prise en charge d’un sinistre en cas de « défaut d’entretien des parties communes » ou de « vétusté ».
Fréquemment, l’assureur se prévaut de cette clause pour refuser sa garantie, en faisant valoir que les dommages ont été rendus possibles par un défaut d’entretien ou de réparation des parties communes. L’assureur prétend qu’il n’a pas à supporter les conséquences d’une absence de maintenance ou de réparation régulière des parties communes par l’assuré, ayant permis la survenance du dommage.
Pour exclure sa garantie, l’assureur fait fréquemment valoir que l’assuré « ne pouvait ignorer le défaut d’entretien et l’obligation de réparer ses lieux lui incombant ». Très souvent, ce refus de garantie est annoncé à la suite des opérations d’expertise judiciaire dont l’objet est de déterminer l’origine du sinistre et l’étendue des préjudices subis (matériels et immatériels, préjudices de jouissance…).
En effet, dans ce cadre, l’expert judiciaire peut être amené à mettre en évidence les défaillances des parties communes (canalisations, revêtements d’étanchéité, poutres en bois…) et évoquer un manque d’entretien par le SDC.
Que faire en cas de refus de garantie ?
Ne pas s’en tenir à cette réponse et solliciter du Tribunal judiciaire qu’il juge que les garanties souscrites auprès de la compagnie d’assurance sont bien mobilisables par le Syndicat des copropriétaires. En effet, la jurisprudence est exigeante à l’égard des assureurs.
Très souvent, les clauses d’exclusion sont imprécises : elles ne se réfèrent pas à des critères définis, ni à des hypothèses limitativement énumérées, de telle sorte qu’il en résulte une incertitude pour le Syndicat assuré quant à la garantie existante à son profit.
De telles clauses d’exclusion de garantie pour défaut d’entretien sont, fréquemment, jugées comme ne répondant pas aux exigences de l’article L.113-1 du Code des assurances, à savoir être tout à la fois formelle et limitée.
Il résulte de l’article L.113-1 du Code des assurances que « les pertes et dommages occasionnés par toute faute de l’assuré, autre qu’intentionnelle ou dolosive, sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ». En jurisprudence, cette condition est appréciée de deux points de vue : la perception de l’exclusion par l’assuré et ses incidences sur la substance de la garantie.
Applications jurisprudentielles
Il a été jugé qu’en l’état d’un contrat d’assurance garantissant, notamment, la réparation pécuniaire de dommages causés par les eaux et dus à des fuites, ruptures et débordements provenant des chéneaux et gouttières, une Cour d’appel – qui avait constaté que l’effondrement du pignon d’un immeuble était consécutif au déboitement d’un tuyau de descente d’eau pluviale resté un certain temps dans cet état – ne pouvait déclarer ce sinistre exclu de la garantie au motif qu’une clause du même contrat d’assurance prévoyait une exclusion de garantie « pour les dommages résultant d’un défaut de réparations indispensables incombant à l’assuré ».
Une telle clause, en effet, n’est pas conforme à l’article susvisé du Code des assurances, dans la mesure où elle se réfère à des critères imprécis et à des hypothèses non limitativement énumérées (Cass. 1re civ., 29 oct. 1984, n°83-14.464).
La Cour de cassation a ensuite eu l’occasion de préciser que la clause excluant la garantie de l’assureur d’une copropriété, « en cas de défaut d’entretien ou de réparation caractérisé et connu de l’assuré », ne se référait pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées et qu’elle ne pouvait donc recevoir application en raison de son imprécision (Cass. 2e civ., 6 oct. 2011, n°10-10.001)
La deuxième chambre civile a confirmé, à nouveau, que la clause d’exclusion de garantie pour défaut d’entretien ne répondait pas aux exigences de l’article L. 113-1, alinéa 1er du Code des assurances (Cass. 2e civ., 26 novembre 2020, n°19-20.509).
En pratique, on demande au Tribunal de prononcer l’inopposabilité de la clause d’exclusion de garantie stipulée dans le contrat d’assurance au regard des prescriptions de l’article L.113-1 du Code des assurances, celle-ci se référant à des critères imprécis et des hypothèses non limitativement énumérées ne permettant pas à l’assuré de connaître l’étendue de la garantie.
L’argument de l’absence d’aléa
Afin d’écarter le régime draconien des exclusions de garantie, les compagnies d’assurances tentent de se rabattre sur l’absence d’aléa, qu’elles qualifient comme une condition de mise en œuvre de la garantie, en soutenant que la négligence de l’assuré aurait pour effet d’anéantir l’aléa propre au contrat d’assurance.
Or, la Cour de cassation écarte tant le défaut d’entretien que l’absence d’aléa. La clause d’exclusion n’est pas plus valable lorsqu’elle se réfère à l’exigence d’aléa dans le contrat (Cass. 3e civ., 26 septembre 2012, n°11-19.117).
L’aléa ne disparaît qu’en présence d’une faute intentionnelle (Cass. 1re civ., 22 novembre 1994, n°91-13.136) : Ainsi doit être cassé l’arrêt qui limite la garantie due par l’assureur en cas de dégâts des eaux aux infiltrations accidentelles prévues par la police et considère qu’elle ne couvre pas le dommage résultant du défaut d’entretien de l’immeuble vétuste. En effet, en statuant ainsi alors que la notion d’accident n’exclut pas que les dommages aient pour origine la faute de l’homme, la cour d’appel, qui n’a pas relevé que le défaut d’entretien constituait une faute intentionnelle ou dolosive, a violé l’article L. 113-1 du code des assurances.
Dans une autre affaire, il était avéré que des infiltrations récurrentes provenant d’un appartement avaient causé des dommages dans l’appartement voisin. La cour d’appel a refusé d’appliquer le contrat d’assurance de la personne responsable des infiltrations, au motif que les dommages litigieux n’avaient pas un caractère aléatoire. Pour cela, elle s’appuie sur les constatations claires de l’expert, lesquelles mettent en évidence l’état de dégradation avancée de la structure de l’immeuble entre le rez-de-chaussée et le premier étage, en raison d’infiltrations manifestement anciennes et répétitives. La Cour de cassation, pour sa part, a estimé que ces motifs étaient impropres à exclure l’existence d’un aléa lors de la souscription du contrat (Cass. 2e civ., 5 mars 2015, n°14-10.790).
Allant plus loin, la jurisprudence retient même que, lorsque le sinistre n’est pas entièrement réalisé lors de l’échange des consentements, sa survenance demeure, a priori, aléatoire et l’assurance qui le couvre est valable. En conséquence, le fait que la cause génératrice du dommage se soit produite avant la souscription de la police ne fait pas nécessairement obstacle à la validité de l’accord dès lors « qu’au moment de la signature du contrat, le dommage en découlant n’était ni certain dans sa réalisation ni déterminable dans son étendue », ce que confirme un arrêt du 24 mars 2016. En l’espèce, une cour d’appel avait condamné l’assureur à garantir l’effondrement d’un mur survenu après la conclusion du contrat, mais qui trouvait son origine dans un défaut d’entretien caractérisé antérieur à celle-ci. La deuxième chambre civile rejette le pourvoi de l’assureur qui se prévalait de la nullité de la police, la cour d’appel ayant pu estimer que le dommage présentait un caractère aléatoire, dans la mesure où il était survenu pendant la période de validité des garanties et ne procédait pas d’une faute intentionnelle (Cass. 2e civ., 24 mars 2016, n°15-16.765).
Par Camille Blondel – BJA Avocats










