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Qui doit payer les charges lors de la vente d’un lot de copropriété ? Par Salimata Dieng, Avocat chez BJA Avocats

Le point juridique par BJA Avocats

Lorsqu’un lot de copropriété change de propriétaire, une question revient inlassablement : qui du vendeur ou de l’acquéreur doit s’acquitter des charges dues au syndicat des copropriétaires ? Derrière une apparente simplicité, la réponse suppose de manier avec précision les textes, la jurisprudence et la chronologie de la vente. Car si les parties peuvent aménager entre elles la répartition des charges, leurs accords restent inopposables au syndicat, qui appliquera les règles posées par l’article 6-2 du décret du 17 mars 1967.

INTERVIEW

I. Ce que prévoit la loi

L’article 6-2 au Décret n°67-223 du 17 mars 1967 d’application de la Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis dispose :

« À l’occasion de la mutation à titre onéreux d’un lot :

  1. Le paiement de la provision exigible du budget prévisionnel, en application de l’article 14-1 de la loi du 10 juillet 1965, incombe au vendeur ;
  2. Le paiement des provisions des dépenses non comprises dans le budget prévisionnel incombe à celui, vendeur ou acquéreur, qui est copropriétaire au moment de l’exigibilité ;
  3. Le trop ou moins-perçu sur provisions, révélé par l’approbation des comptes, est porté au crédit ou au débit du compte de celui qui est copropriétaire lors de l’approbation des comptes. »

La clé d’interprétation de ce texte réside dans deux notions : l’exigibilité de la charge et la date de notification de la vente au syndic. En effet, conformément à l’article 6 du même décret, la mutation ne devient opposable au syndicat qu’à compter de sa notification par lettre recommandée ou télécopie avec récépissé, faite par les parties, le notaire ou l’avocat. Tant que cette formalité n’est pas accomplie, le vendeur reste considéré comme copropriétaire et demeure donc débiteur des charges (Cass. 3e civ., 22 mars 2000, n° 98-14.409).

Il importe peu que le syndic ait eu connaissance de la vente par un autre moyen, y compris par l’avis de mutation de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1965 (Cass. 3e civ., 7 sept. 2010, n° 09-11.158). Tant que la notification n’est pas régulière, le syndicat peut continuer de poursuivre l’ancien propriétaire pour les charges échues, même postérieures à l’acte de vente (Cass. 3e civ., 22 oct. 2015, n° 14-11.029).

Si un acte authentique est signé le 5 juillet mais que la notification au syndic n’est envoyée que le 20 juillet, toutes les provisions exigibles entre le 5 et le 20 juillet restent dues par le vendeur.

II. Répartition légale : charges courantes et dépenses exceptionnelles

La jurisprudence distingue deux grandes catégories de charges, dont l’exigibilité obéit à des logiques différentes. 

Les provisions du budget prévisionnel : exigibles par trimestre

Ces provisions, votées annuellement par l’assemblée générale, sont exigibles le premier jour de chaque trimestre ou à la date fixée par la décision de l’assemblée (Cass. 3e civ., 25 sept. 2002, JurisData n° 2002-015845). Si la mutation n’a pas été notifiée au syndic à cette date, le vendeur en demeure redevable. L’acquéreur ne deviendra débiteur qu’à compter de la période suivante, après notification. Si le trimestre commence le 1er juillet et que la vente est signée le 5 juillet mais notifiée le 10, le vendeur doit payer la provision du 1er juillet, même s’il n’est plus propriétaire. Les parties peuvent prévoir une répartition différente (par exemple, que l’acquéreur rembourse la provision du trimestre en cours), mais cet accord n’aura aucun effet à l’égard du syndicat (art. 6-3 du décret).

Les charges hors budget : exigibilité au moment des appels de fonds 

Les dépenses exceptionnelles (travaux, emprunts, indemnités, etc.) suivent un régime distinct. Ce n’est pas la date de la décision d’assemblée générale qui compte, mais celle où les appels de fonds deviennent exigibles (Cass. 3e civ., 2 oct. 2001, Administrer févr. 2002, p. 39). Ainsi, le vendeur est débiteur des appels votés avant la notification de la vente, même s’ils financent des travaux futurs (Cass. 3e civ., 27 févr. 2001, n° 99-14.509). Inversement, l’acquéreur doit payer les appels décidés après la mutation.

Jurisprudences

  • Si l’assemblée a voté des travaux mais n’a arrêté ni l’entreprise ni les dates d’appels avant la vente, les charges seront dues par l’acquéreur (CA Paris, 12 sept. 2002, JurisData n° 2002-188832).
  • Un copropriétaire acquéreur reste tenu des nouveaux appels votés après la vente, même si une première décision avait été adoptée avant (Cass. 3e civ., 8 oct. 1999, JurisData n° 1999-003388).
  • L’annulation d’une assemblée générale votant des travaux entraîne que la nouvelle décision postérieure à la vente engage l’acquéreur (CA Paris, 30 oct. 2003, Administrer mars 2004, p. 36).
  • Enfin, le vendeur reste débiteur du remboursement des emprunts contractés avant la vente (Cass. 3e civ., 28 mai 2002, Administrer janv. 2003, p. 51).

III. Ce dont vendeur et acquéreur peuvent convenir

Le régime légal de répartition n’est pas d’ordre public : les parties sont libres de prévoir une autre répartition des charges, notamment dans le compromis ou l’acte authentique. Ainsi, il n’est pas rare de retrouver dans le compromis de vente une répartition comme-ci après :

  • Prise en charge des travaux votés avant la promesse par le vendeur ;
  • Prise en charge des travaux votés entre la promesse et l’acte de vente par l’acquéreur étant précisé que dans ce cas de figure, le vendeur lui donne généralement pouvoir pour assister à l’assemblée générale de copropriété à sa place ;

Ces stipulations permettent d’éviter des déséquilibres économiques. Toutefois, elles n’ont d’effet qu’entre les parties : le syndicat n’a pas à en tenir compte et poursuivra celui qui est débiteur selon la loi. Un compromis peut prévoir que l’acquéreur rembourse au vendeur la provision du trimestre en cours. Si celui-ci ne s’exécute pas, le syndic pourra tout de même agir contre le vendeur – à lui de se retourner ensuite contre l’acquéreur.

IV. Régularisation en fin d’exercice et cas particuliers

Régularisation des charges

À l’approbation annuelle des comptes, les soldes débiteurs ou créditeurs sont imputés au copropriétaire présent à la date de l’assemblée générale (Cass. 3e civ., 14 avr. 2016, n° 15-14.356). Ainsi, même si un vendeur a payé des provisions supérieures aux dépenses réelles, c’est l’acquéreur qui bénéficiera d’un éventuel trop-perçu si l’assemblée se tient après la vente

Avances et fonds de roulement

Les avances non utilisées doivent être remboursées au vendeur, dès lors qu’elles n’ont pas été affectées à des travaux engagés avant la vente (Cass. 3e civ., 17 juin 1997, RD imm. 1997, p. 481). De même, le fonds de roulement versé par le vendeur doit être restitué, l’acquéreur devant en constituer un nouveau (CA Paris, 28 oct. 1998, JurisData n° 1998-023173).

Entrée en possession et lots en VEFA

Le syndicat peut réclamer les charges à compter de la date de prise de possession prévue dans l’acte, indépendamment de l’entrée effective dans les lieux (Cass. 3e civ., 8 mars 1989, Administrer juill. 1990, p. 53). Pour les lots vendus en l’état futur d’achèvement, les charges sont dues à compter de la date d’entrée en jouissance (CA Paris, 14 juin 1994, JurisData n° 1994-021825).

Résolution de la vente

En cas de résolution judiciaire de la vente, le propriétaire initial redevient débiteur des charges depuis la résolution jusqu’à une éventuelle revente (Cass. 3e civ., 31 mars 1993, Loyers et copr. 1993, comm. 236). Mais là encore, la notification au syndic est déterminante : tant qu’elle n’est pas faite, le syndicat peut poursuivre l’acquéreur (CA Paris, 3 déc. 1997, JurisData n° 1997-023818)

Conclusion

La répartition des charges de copropriété lors de la vente d’un lot de copropriété demeure un aspect essentiel de la transaction dont il convient de se saisir avant tout engagement.

Trois règles cardinales doivent guider les parties :

  1. L’exigibilité de la créance détermine qui en est
  2. La notification au syndic conditionne l’opposabilité du
  3. Les accords contractuels n’ont d’effet qu’entre vendeur et acquéreur.

Dans une transaction immobilière, anticiper ces points est souvent la clé pour éviter les contentieux ultérieurs. Et si la loi fixe un régime relativement clair, la pratique montre que chaque vente a ses subtilités, notamment en cas de travaux votés ou d’appels de fonds en plusieurs étapes. Dès lors, le mot d’ordre en cas de mutation d’un lot ne peut être que vigilance.

Salimata Dieng, Avocat chez BJA Avocats

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Le cabinet BJA et ses équipes, intervient en droit immobilier, tant en conseil qu’en contentieux. https://www.bjavocat.com

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