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Christophe Robert et Véronique Bédague (c) Anne-Sandrine Di Girolamo
Véronique Bédague et Christophe Robert

Véronique Bédague : « Christophe Robert et moi sommes la vague sur la falaise. La falaise finira par tomber ».

Véronique Bédague et Christophe Robert au lendemain du CNR logement

A la suite de la présentation des conclusions du Conseil National de la Refondation Logement (CNR logement) le lundi 5 juin 2023, Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre et Véronique Bédague, Présidente-directrice générale de Nexity, se sont exprimés face à un public de journalistes curieux de les entendre réagir aux décisions prises par le gouvernement et annoncées en fin d’après-midi par la première ministre Elisabeth Borne en personne. Sur un ton résolument posé mais ferme, les deux co-animateurs du CNR, ont pris le temps de l’analyse, faisant le tri entre les propositions qu’ils jugent pour le moment intéressantes et celles qui suscitent en eux un sentiment de profonde inquiétude.

On va se battre. Christophe et moi, nous sommes la vague sur la falaise. La falaise finira par tomber.

Véronique Bédague, Présidente directrice-générale Nexity
Véronique Bédague et Christophe Robert

Faire un état des lieux des besoins en logement en France : naissance d’un fol espoir

L’histoire méritait d’être racontée à nouveau. Christophe Robert l’a donc fait, avec le talent d’orateur qui le caractérise. « L’histoire remonte à 7 mois au Conseil National de la Refondation à Marcoussis. Le Président de la République avait indiqué vouloir changer le mode de gouvernance, en associant davantage les corps intermédiaires, la société civile, les acteurs des différents secteurs. Il fallait alors réfléchir aux sujets qui intéressent les français et très vite, nous avons insisté sur l’importance du logement. » On le répète assez souvent, le logement est le premier poste de dépense des ménages. Il présente, au surplus, toutes les caractéristiques du sujet qui peut réunir (et unir) les générations, les territoires, les acteurs de la filière. Le logement est un sujet vaste. Il intéresse chacun des français et porte en lui bon nombre de questions essentielles : l’économie du pays, son système scolaire, son rapport à la santé, sa vision sur l’écologie et sa volonté de préserver l’environnement …

Quand Olivier Klein, ministre du logement, a confié à Véronique Bédague et Christophe Robert le soin de co-animer le Conseil National de la Refondation Logement, un élan et un (fol) espoir sont nés. Trois groupes de travail présidés par des co-animateurs et près de deux cents acteurs du logement ont travaillé pendant des mois bénévolement.

L’élan était grand, à la hauteur des enjeux. « Nous avons vécu une séquence réellement très intéressante (…) ; elle nous a conduit à dresser, au-delà de nos différences et de nos identités, un état des lieux sur les besoins en logement, à partager sur les difficultés que rencontrent nos concitoyens en matière de logement. » rappelle Christophe Robert. Au terme de plusieurs mois de travail, un certain de nombre de propositions a été fait. 300 tout de même. C’est dire l’ampleur du travail fourni, son degré de précision et la largeur de son spectre. C’est dire aussi l’état de gravité de la situation. Le logement en France est malade. Et le pays d’attendre du gouvernement une réponse à la hauteur du travail fourni par les membres du CNR et des besoins de ses citoyens.

Première victoire : faire entendre raison au gouvernement

Si les annonces faites par la Première Ministre en clôture du CNR Logement le 5 juin 2023 ont suscité la colère et l’incompréhension de bon nombre des professionnels du secteur, qu’il soit privé ou social, Béronique Bédague et Christophe Robert, quant à eux, embrassent avec le talent certain des très bons négociateurs la mission de préciser celles des mesures annoncées qu’ils jugent « intéressantes ». Ce faisant, ils posent à nouveau les termes du débat en rappelant l’immensité du chantier ouvert par le CNR il y a tout juste quelques mois. « Oui, nous sommes déçus, parce que nous avons beaucoup travaillé. Quand nous avons commencé cette mission, certaines parties de l’Etat niaient même l’idée qu’il y ait un problème sur le logement. Je pense que la prise de conscience progresse désormais et qu’il y a des choses qui bourgeonnent. On n’est pas du tout là où nous devons être, mais nous revenons de très très loin. ». Ah…. La première mission, et la première victoire du CNR a donc été de pouvoir alerter l’Etat et nos instances gouvernantes. Lui faire entendre le cri, pourtant très audible, des citoyens français aux prises avec une crise du logement extrêmement grave.

Les termes du débat posé, le CNR a aussi remporté une victoire qui ne ressemble en rien à une victoire à la Pyrrhus. « Au fond, nos interlocuteurs ont admis que logement c’était une question systémique, ce qui veut dire qu’on pas prendre la question des sans-abris toute seule, sans regarder celle du logement social, sans regarder celle du logement neuf parce que je le redis ici très calmement : quand on arrête de produire du logement neuf, il n’y a plus de mouvement dans l’existant. Le stock des biens à louer se réduit de fait, et on finit à la fin, malgré tous les efforts faits et l’argent dépensé, à avoir de plus en plus de gens à la rue. » L’incompréhension était donc si grave que le CNR a d’abord servi à assoir dans l’esprit de nos gouvernants la réalité d’une crise du logement puis de leur faire comprendre l’équilibre fragile de tout un écosystème pourtant en train de s’effondrer méticuleusement sur chacun de ses segments et en même temps.

Nous tous avons perdu 20 à 25% de leur pouvoir d’achat immobilier. L’accès donc à la propriété en ce moment est de plus en plus complexe. Il faut donc créer et élargir le marché de la location.

Véronique Bédague

Les « petites » victoires remportées par le CNR logement

Parmi les « bourgeons », les mesures qui ne sont pas « intéressantes », Christophe Robert signale le doublement du nombre de personnes qui pourront bénéficier de la Garantie Visale, le lancement du second plan quinquennal « Logement d’abord », l’encouragement du Bail Réel Solidaire ou encore les mesures qui devraient venir sur les aides à la rénovation thermique des logements pour les ménages modestes, ou encore la multiplication des guichets Mon Accompagnateur Ma Prime Rénov. Les moyens posés sur les objectifs ne sont pas toujours au rendez-vous toutefois. A seul titre d’exemple, le plan Logement d’abord avec 160 millions d’euros alloués « alors que nous pensons qu’il en faudrait trois fois plus pour vraiment accompagner les territoires dans cette montée en puissance », précise Christophe Robert.

De son côté, Véronique Bédague salue l’intérêt du gouvernement pour le logement intermédiaire et son ouverture vers des zones qui ne sont pas identifiées comme tendues. « Au vu des écarts de loyer entre le privé et le social, ils sont très rares ceux qui peuvent sortir du logement social pour aller directement dans le logement privé. Il est donc vraiment important d’avoir cette espèce de « sas » du logement intermédiaire et donc que le gouvernement qui porte un vrai intérêt ». Et la dirigeante de Nexity de saluer aussi l’envie du gouvernement d’instaurer un dialogue nourri entre l’Etat et les collectivités sur leurs engagements de construction de logements ou encore l’idée d’ouvrir le dossier de la fiscalité locative ou même celle de souhaiter clarifier (et pourquoi pas simplifier) les règles d’urbanisme. Mais la dirigeante aussitôt de temporiser. Rien n’est fait et tout reste à faire. L’Etat ira-t-il jusqu’au bout de ses velléités ? L’avenir proche nous le dira.

Nous devons nous battre. Nous le devons à nos concitoyens. Certaines personnes sont dans de très grandes difficultés. Nous ne traitons pas bien nos jeunes. Je le redis haut et fort.

Véronique Bédague
CNR logement

Les grands sujets d’inquiétude pour le logement en France

« Alors au fond, la nuit portant conseil, qu’est-ce qui pêche vraiment ? » lance Véronique Bédague. Bien des choses et notamment, la question cruciale de l’accès à la propriété des personnes les plus modestes et des jeunes. La réponse se trouve-t-elle dans les mesures annoncées par Elisabeth Borne ? Pas le moins du monde. Derrière l’annonce du prolongement du Prêt à Taux Zéro vient concomitamment une réduction de son champ d’application qui profite à Bercy en réponse à une injonction puissante lancée à l’Etat français : faire des économies, peu important le domaine. Voici donc le champ d’accessibilité au Prêt à Taux Zéro réduit comme une peau de chagrin à 1100 communes (contre 350 000 communes auparavant) et de nombreux français bloqués et privés de l’espoir d’accéder à la propriété.

De façon générale, la période n’est pas propice. L’accès à la propriété, au-delà de la question du rétrécissement du Prêt à Taux Zéro (PTZ), se raréfie. L’augmentation des taux d’intérêt aura eu un effet certain. « Nous tous avons perdu 20 à 25% de leur pouvoir d’achat immobilier. L’accès donc à la propriété en ce moment est de plus en plus complexe. Il faut donc créer et élargir le marché de la location. » explique Véronique Bédague. Comment faire ? La dirigeante de Nexity rappelle alors le principe de la rationalité économique. « Il faut qu’il y ait des opérateurs (personnes morales ou particuliers) qui aient intérêt à investir dans le logement. Nous nous sommes entendu dire en haut lieu de la République que le logement n’est pas un investissement productif. Si ! Vous pouvez construire ou rénover des usines, mais si vous ne construisez pas des logements à côté, il n’y a pas d’usine. » Or, les investisseurs dans l’immobilier (privé ou social) connaissent aujourd’hui un sévère problème de rentabilité. Un objectif de rentabilité minimale autour de 2 à 3 % pour les investisseurs pourrait-il être atteint ? Encore faudrait-il que le gouvernement comprenne que la hausse vertigineuse de la taxe foncière n’a fait qu’obérer plus encore l’espoir d’y parvenir.

Le tableau est-il plus séduisant du côté du logement social ? Pas vraiment. « Le logement social est à nouveau absent de la relance que nous attendions. Je vous rappelle que ce gouvernement, ainsi que le précédent, a coupé énormément sur le logement social. Une ponction d’1,3 milliard d’euros par an est faite sur les bailleurs sociaux, à laquelle s’ajoute une TVA passée de 5,5 à 10%. Sans parler de l’augmentation du taux du livret A qui pénalise la capacité à produire et rénover le logement social en France. » explique Christophe Robert. La production de logements sociaux est en chute libre. En effet, si l’objectif du gouvernement en 2022 était de produire 125 000 logements sociaux agréés, dans les faits seuls 95 000 ont été construits. « Cette année, on devrait être à 80 000 ou 85 0000. Ce sont des chiffres au plus bas. Et quand on perd 20 000 ou 30 000 logements, ce sont 20 000 ou 30 000 ménages qui ne sont pas logés. » conclut Christophe Robert.

Le logement, grande cause nationale ? Un jour peut-être...

L’inquiétude est réelle, si bien que Christophe Robert et Véronique Bédague n’en ont, de toute évidence, pas terminé avec leur mission sur le logement. « On va se battre. Christophe et moi, nous sommes la vague sur la falaise. La falaise finira par tomber. », dit Véronique Bédague. Un premier rendez-vous est déjà fixé avec le projet de loi de finances et ses arbitrages qui se feront en juillet 2023. Six mois de travail au sein du CNR n’auront pas suffi à obtenir une réforme d’ampleur sur le logement en France. Mais une chose est certaine. A traiter la question comme si elle touchait leurs propres enfants et leur propre famille, Véronique Bédague et Christophe Robert sont devenues les figures de proue de la lutte pour le logement en France. Espérons alors que leur lutte se transformera un jour, enfin, en cause nationale.

Anne-Sandrine Di Girolamo
Anne-Sandrine Di GirolamoFondatrice
Anne-Sandrine Di Girolamo
Anne-Sandrine Di GirolamoFondatrice
Journaliste fondateur des Ondes de l’Immo.

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