La recrudescence d’infestations de logements par des punaises de lits, blattes ou autres nuisibles fait de la question de l’imputation du coût de la désinsectisation un débat de pleine actualité.
Peut-on considérer que cette désinsectisation est une charge locative ou doit-elle être supportée par le propriétaire ?
Une lecture croisée des jurisprudences nous permet de conclure que l’obligation d’éradication d’insectes nuisibles incombe au propriétaire/bailleur qui peut néanmoins imputer aux charges du locataires le coût des produits de désinsectisation. Le bailleur peut néanmoins échapper à cette obligation s’il démontre que les insectes nuisibles sont apparus par la faute, voire la négligence du preneur. Enfin, le locataire, s’il entend obtenir des dommages et intérêts consécutifs à une infestation de nuisibles doit démontrer que cette dernière constitue un vice inhérent à l’appartement. Une appréciation précise de chaque espèce est donc impérativement nécessaire.
2014 : LA PRECIEUSE REPONSE DE LA COUR D’APPEL DE BORDEAUX
La Cour d’appel de BORDEAUX est venue, le 09 mai 2014, apporter une précieuse réponse à cette interrogation (CA Bordeaux, 1re ch. civ., sect. A, 9 mai 2014, no RG : 12/06806)
Les faits à l’origine de cet arrêt sont classiques : un locataire se trouve confronté à une invasion massive des cafards dans l’ensemble du logement donné à bail (sur le sol, dans les placards, les vêtements et jusqu’à l’intérieur des éléments d’électroménager).
Bien qu’avertis, les bailleurs croient bon d’adresser à leur locataire un simple courrier lui enjoignant de procéder à ses frais à la désinsectisation du logement.
La locataire n’a eu alors d’autre choix, face à l’ampleur de la situation que d’indiquer aux bailleurs qu’elle devait quitter prématurément le logement.
Dans le cadre de la procédure judiciaire qui s’en est suivi, les juges saisis ont prononcé la résiliation du bail aux torts exclusifs des bailleurs, au motif qu’ils avaient manqué à leur obligation d’entretenir les locaux en l’état de servir à l’usage prévu par le contrat de location et d’y faire toutes les réparations autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des locaux loués, mise à leur charge par l’article 6 c) de la loi du 6 juillet 1989.
L’intérêt de cet arrêt est donc de rappeler que la mise en œuvre d’un traitement de désinsectisation incombe aux bailleurs.
La solution est justifiée, car un tel traitement ne figure pas dans la liste, annexée au décret du 26 août 1987, des travaux d’entretien courant et de menues réparations incombant aux locataires. Cependant, cette rigueur impose certaines précisions.
Rappelons, tout d’abord, que les produits de désinsectisation font partie des charges récupérables, le propriétaire peut donc réclamer le remboursement de l’achat de ces produits. C’est ainsi la main d’œuvre qui restera à sa charge exclusive.
PLUSIEURS DECISIONS CONDAMNENT LE ROLE ACTIF DU LOCATAIRE DANS L’INFESTATION EN CAUSE
Notons que plusieurs décisions sont venues, parallèlement, condamner le rôle actif du locataire dans l’infestation en cause.
Ainsi, par un arrêt du 28 octobre 2010, la Cour d’appel de CHAMBERY reconnaissait qu’un locataire devait supporter le coût de la désinsectisation de son appartement infesté de punaises, car il était apparu que la présence de ces dernières était la conséquence d’un état de saleté résultant de l’insouciance du preneur.
Enfin et allant plus en avant dans cette logique, la Cour d’appel de PARIS, a, dans un arrêt plus récent en date du 31 janvier 2017 ( n°15/07085), estimé que « le bailleur n'était tenu de réparer les conséquences que d'un vice inhérent à l'immeuble qu'il donne en location. Les punaises de lit dont les locataires se plaignent sont véhiculées par les hommes et, dès lors, l'origine de l'infection du logement litigieux est ignorée. »
Comme il n'était pas prétendu que les autres appartements aient été infestés avant les lieux litigieux, leur arrivée dans l’appartement loué ne pouvait donc être imputée au bailleur, les locataires étant dans les lieux depuis plusieurs années (3 ans).
La Cour a donc estimé que « Le bailleur n'avait pas manqué à son obligation de délivrance d'un appartement en bon état d'usage qui permettait une jouissance paisible des lieux. » « La présence des punaises dans les lieux résulte d'une cause étrangère au bailleur qui rend l'article 1719 du Code civil inapplicable en l'espèce puisqu'elle était imprévisible, extérieure à lui et irrésistible pour lui car il n'était pas en mesure de la prévenir. »
Ainsi le bailleur, société d’HLM en l’espèce, avait, pour cette juridiction fait preuve de diligence pour permettre une éradication des insectes, pour éviter leur propagation dans d'autres appartements et pour trouver un relogement à ses locataires.
Elle en conclut ainsi qu’« en raison de l'absence de vice inhérent à l'appartement et de l'origine ignorée des insectes, le bailleur ne saurait être tenu d'indemniser les locataires. »
EN CONCLUSION
Une lecture croisée de ces jurisprudences nous permet de conclure que l’obligation d’éradication d’insectes nuisibles incombe au propriétaire/bailleur qui peut néanmoins imputer aux charges du locataires le coût des produits de désinsectisation.
Le bailleur peut néanmoins échapper à cette obligation s’il démontre que les insectes nuisibles sont apparus par la faute, voire la négligence du preneur. Enfin, le locataire, s’il entend obtenir des dommages et intérêts consécutifs à une infestation de nuisibles doit démontrer que cette dernière constitue un vice inhérent à l’appartement.
Une appréciation précise de chaque espèce est donc impérativement nécessaire.
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