© Anne-Sandrine Di Girolamo
Christophe NOEL FACT

Simplification de la vie économique : « Un exemple de régulation mal maîtrisée » - Christophe NOEL, Fédération des Acteurs du Commerce dans les Territoires (FACT)

Interview

Projet de loi de simplification de la vie économique

Le Projet de loi de simplification de la vie économique adopté le 17 juin à l’Assemblée Nationale suscite de vives inquiétudes, et c’est peu de le dire, chez les propriétaires de locaux commerciaux. Plusieurs mesures conduisent d’ailleurs l’avocat Gabriel Neu Janicki à écrire qu’on tire à « boulet rouge sur les bailleurs ».

Quelles seraient les conséquences du Projet de loi de simplification de la vie économique pour les bailleurs ? Comment interpréteront-ils le nouveau message que leur envoie l’Assemblée Nationale ? Les réponses de Christophe Noel, Délégué Général de la FACT, Fédération des Acteurs du Commerce dans les Territoires.

Nous verrons à la rentrée ce qu'il en est. Quatorze parlementaires vont être désignés, dont certains connaissent déjà très bien le texte. On espère qu'avec l'aide également du gouvernement qui, je pense, a conscience que certains excès ont pu être commis dans ce projet de loi votée à l'Assemblée, seront à nos côtés pour essayer de faire mieux comprendre aux membres de la commission mixte paritaire les enjeux et les conséquences de ce qu'ils décideront ou non de de voter pour un texte final.

Christophe Noel, Délégué Général de la FACT, Fédération des Acteurs du Commerce dans les Territoires.

EXTRAITS

Quelques éléments de contexte

"Il faut peut être rappeler à vos auditeurs d'où on vient sur cette histoire du bail commercial et pourquoi retrouve-t-on des dispositions dans ce texte relatives à un bail commercial qui est un outil évidemment pour l'immobilier dédié au commerce, mais plus généralement pour tout l'immobilier tertiaire. Alors comment est ce qu'on en est arrivé là ? En avril 2023 a été créée à l'initiative de la ministre du Commerce d'alors, Olivia Gregoire, un Conseil national du commerce que tous les acteurs ont accueilli vraiment avec enthousiasme. Parce qu'on était un petit peu jaloux, entre guillemets, de l'attention que les pouvoirs publics pouvaient conférer, notamment à l'industrie dans notre pays. Alors que le commerce c’est 3 millions d'emplois, des investissements importants, des enjeux territoriaux et d'animation des territoires absolument essentiels, il n'avait pas finalement de représentation vis-à-vis des pouvoirs publics.

Dès que cette institution a été créée, il s'est avéré que la FACT s'est retrouvée seule représentante des bailleurs en face d'innombrables fédérations de commerçants. Quand la question des sujets à débattre s'est faite jour, très vite les fédérations de commerçants ont dit vouloir que le dossier du bail commercial soit réouvert. Nous avons alors accepté de rentrer dans cette discussion, mais à une condition très simple, c'est de pouvoir rappeler aux pouvoirs publics quelques éléments. D'une part, qu’il n'était pas nécessairement de sa compétence et de sa légitimité d'aller bouger les curseurs entre des intérêts entre acteurs privés. Et d'autre part, que finalement, le bail commercial qui est très particulier en France (je rappelle qu'il y a notamment la notion de propriété commerciale qui est relativement unique en Europe, qui est très protectrice du locataire. Mais on va dire que ces 70 ans d'histoire du bail commercial n'ont empêché ni les investisseurs et les foncières d'un côté, ni les enseignes de l'autre de plutôt bien réussir, de bien performer et pour certaines d'entre elles, de s'illustrer parmi les leaders européens dans leurs domaines respectifs.) Donc on a dit “attention”, c'est un équilibre éprouvé par la jurisprudence et il va falloir être extrêmement vigilant à ce que, si des concessions doivent être faites par l'une ou l'autre des parties, on trouve des contreparties pour que l'équilibre, les grands équilibres économiques du bail commercial soient préservés.

C'est avec cet esprit-là que nous nous sommes engagés dans des discussions qui ont été longues, parfois un peu ardues et fastidieuses, et qui nous a permis quand même, après même que le projet de loi de simplification ait été déposé en avril 2024 par la ministre, de trouver un accord de place qui a été signé très largement par les fédérations de commerçants et du côté des bailleurs, par la FACT, bien sûr, mais on a été rejoints par l'UNPI qui a été cosignataire.

Qu'est-ce qu'on trouvait dans cet accord de place? La généralisation de la mensualisation pour alléger les besoins de trésorerie des enseignes. Et puis aussi l'idée que, effectivement, il fallait plafonner les dépôts de garantie à trois mois de loyer, mais qu'en revanche les autres garanties complémentaires pouvaient être maintenues.

L’un des grands maux de l'immobilier en France réside dans le fait très certainement que du côté des bailleurs, vous cédez votre propriété commerciale. Il est extrêmement difficile d'obtenir la restitution des locaux non seulement en fin de bail, mais aussi en cours de bail, quand la principale obligation du locataire (qui est de payer son loyer) n'est pas respectée, avec des délais de procédures qui sont extrêmement longs et des voies de recours innombrables.

Alors la question a été de dire que puisque nous diminuons finalement aussi nos garanties financières (en mensualisant les loyers), trouvons des assouplissements justement pour réussir à récupérer plus rapidement les locaux ou à éviter l'emballement des dettes locatives. A été trouvée une contrepartie, qui est dans le texte actuel tel qu'il a été voté donc la semaine passée. De quoi s’agit-il ? En somme, un juge ne pourrait plus octroyer des délais de paiement et la suspension de la clause résolutoire du bail en cas d'impayé que si le débiteur, donc le locataire, peut faire la preuve de sa capacité à honorer sa dette locative d'une part, et s'il a repris le règlement des loyers courants d'autre part.

On avait ensuite une deuxième contrepartie à la mensualisation qui aurait dû être trouvée mais elle ne figure pas dans le texte.  Cette contrepartie aurait dû être celle selon laquelle un administrateur judiciaire ne disposerait plus que d'un délai de deux mois à compter du prononcé de la liquidation judiciaire d'une entreprise pour restituer les clés au bailleur. C'est absolument essentiel particulièrement pour les bailleurs indépendants et ceux qui ne sont pas forcément très bien structurés. Ceux-ci n'ont, en efffet, pas forcément les moyens de mettre la pression au quotidien sur l'administrateur pour récupérer leurs locaux. S’ensuit souvent une vacance structurelle des magasins, qui au surplus ne ressemblent souvent à rien parce qu'il n'ont pas été vidés, et qui prennent un temps fou à être remis sur le marché et commercialisés."

Christophe NOEL, Délégué général de la FACT
Christophe NOEL FACT

Chez les bailleurs
L'INQUIÉTUDE

"Pour l’instant, il y a beaucoup d'inquiétude chez les bailleurs, qu’il s’agisse du petit bailleur, du porteur de parts de SCPI ou des dirigeants des plus grandes foncières. Tout le monde s'inquiète. Nous sommes vraiment devant un exemple de régulation mal maîtrisée par certains parlementaires. C’est évidemment très préoccupant parce que cela peut détourner durablement un certain nombre d'investisseurs de l'immobilier tertiaire en général, et plus particulièrement de celui dont nous occupons à la FACT, c’est-à-dire de celui dédié au commerce.

Ce n'est évidemment pas quelque chose dont notre pays a besoin. Je rappelais aujourd'hui l'importance et l'enjeu politique que représentent ces lieux où, malgré tout, toutes les populations se croisent, et où tout le monde est accueilli. On a bien vu d'ailleurs, pendant la phase du Covid, l'importance que les lieux de commerce, de restauration et de loisirs avaient dans la vie, le quotidien et le vivre ensemble de notre pays qui est pourtant plutôt malmené sur ce sujet-là.

Or, il se trouve que le support de ces lieux, ce sont les investissements qui sont consentis par les investisseurs. Faire des beaux lieux…. Je trouve que les centres commerciaux en sont une bonne illustration. On a vu vraiment plusieurs générations de types de centres commerciaux se succéder. Le succès phénoménal des retail parks ces quinze dernières années, des centres de mieux en mieux architecturés et la programmation de plus en plus variée….Tout cela coûte de l'argent. Il n'y a pas de miracle. Vous avez des secteurs qui s'affaiblissent durablement dans le temps (et je pense malheureusement particulièrement au prêt à porter). Mais il y en a d'autres qui se renforcent et beaucoup sont dynamiques.

Encore une fois, je rappelle un chiffre. Ces quinze dernières années, le commerce a généré 800 000 créations d'emplois. Donc voilà, c'est un élément de vitalité, c'est un élément de développement, c'est un élément même du vivre ensemble. Mais il faut beaucoup de capitaux.

Il est vrai que si je devais exprimer un petit regret, c'est celui-ci. Certaines fédérations de commerçants, sans doute sous la pression d'enseignes (dont certaines sont pour certaines objectivement en difficulté, et d'autres pas du tout et sont beaucoup plus opportunistes dans leur stratégie finalement)en essayant de mettre une telle pression sur les bailleurs, d'une certaine façon, scient l’une des branches sur lesquelles ils sont assis."

Ecouter aussi : Marché immobilier français de l’ancien en 2025 : rebond, stabilisation et défis à l’horizon, l’analyse de Charles Marinakis, Century 21

PODCAST

Pour un statut des foncières intermédiaires des territoires ? Bruno Brosset, Foncières de France

Qui sont les acteurs du logement en France ? Des propriétaires bailleurs privés non professionnels mais aussi des entrepreneurs, c’est-à-dire des bailleurs dimensionnés qui sont devenus des professionnels parce que leur activité principale consiste à gérer et développer un patrimoine immobilier dans le cadre de foncières.

Ces foncières, avec leur logique entrepreneuriale, sont l’objet de ce podcast et cela à l’occasion de la publication par l’UNPI d’un rapport présentant son Statut des foncières intermédiaires des territoires, une réflexion venant au soutien du travail fait par l’association Foncières de France et son président Bruno Brosset.

Bruno Brosset présente ce statut des foncières intermédiaires des territoires et nous en explique la logique et le bien fondé.

Anne-Sandrine Di Girolamo
Anne-Sandrine Di GirolamoFondatrice
Anne-Sandrine Di Girolamo
Anne-Sandrine Di GirolamoFondatrice
Journaliste fondateur des Ondes de l’Immo.

  • Back
  • Next

Nos émissions / Podcasts

Emission podcast Les Ondes de l'Immo
Emission podcast La maison de mes rêves
Emission podcast Newsroom Immo et +
S'abonner à nos émissions podcasts


Les Ondes de l'Immo

Suivez-nous sur les réseaux !

Emission Podcasts Les ondes de l'Immo
Emission Podcasts Newsroom
Emission Podcasts Les ondes de l'Immo
S'abonner à nos Podcasts
Choix utilisateur pour les Cookies
Nous utilisons des cookies afin de vous proposer les meilleurs services possibles. Si vous déclinez l'utilisation de ces cookies, le site web pourrait ne pas fonctionner correctement.
Tout accepter
Tout décliner
En savoir plus
Analytique
Outils utilisés pour analyser les données de navigation et mesurer l'efficacité du site internet afin de comprendre son fonctionnement.
Google Analytics
Accepter
Décliner
Sauvegarder