Avis d'expert
On rappellera à titre liminaire que, par principe, l’article 261 D du Code général des impôts (CGI) exonère de TVA les locations meublées à usage d’habitation. Le même article prévoit une série d’exceptions pour taxer les locations hôtelières, touristiques et para-hôtelières. Ces exceptions trouvent leur fondement dans la directive européenne TVA qui vise à exclure de l’exonération toutes les opérations d'hébergement effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire.
En juillet 2023, l’on se souvient que le Conseil d’Etat avait jugé incompatible avec les objectifs poursuivis par cette directive, le critère de l’article 261 D du CGI ancien, conditionnant l’assujettissement à l’offre d’au moins trois prestations accessoires pour les locations meublées habituelles. Ainsi, cette condition créait une dichotomie de traitement fiscal avec les établissements du secteur hôtelier, assujettis par nature et, ne permettait pas de taxer un loueur en meublé parce qu’il se situerait, dans les faits, en situation de concurrence avec ce secteur d’activité.
Ainsi et si les commentaires prévus en matière de fiscalité directe ne venaient pas à être modifiés, nous serions confrontés à un traitement distinct selon le point de vue derrière lequel nous nous plaçons : un loueur en meublé pourrait ainsi relever du régime LMNP et non du régime de la parahôtellerie et, dans le même temps être passible de la TVA car remplissant les critères plus stricts d’assujettissement des prestations parahôtelières.
Partant, la dernière loi de finances pour 2024 modifiait l’article 261 D du CGI en proposant une nouvelle distinction et des critères de taxation homogénéisés.
Sont désormais susceptibles d’entrer dans le champ de la taxe :
- Les prestations d'hébergement fournies dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire. Le législateur subordonne cet assujettissement au respect de deux conditions cumulatives :
- la proposition d’une durée de séjour ne pouvant excéder trente nuitées et,
- la mise à disposition de trois prestations parmi les quatre suivantes : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle.
- Les locations de logements meublés à usage résidentiel si elles comportent là encore trois prestations parmi les quatre précédemment citées.
- Assorties des prestations susvisées, les locations de locaux nus, meublés ou garnis consentis à l'exploitant d'un établissement d'hébergement demeurent soumises à TVA.
Ainsi, et de manière surprenante, le Conseil d’Etat ne procédait pas à la suppression du critère tenant à la mise à disposition d’un certain nombre de prestations, mais élargissait son périmètre d’application à l’ensemble des prestations visées.
Nous faisions part en mars dernier1de nos critiques à l’égard d’une telle réforme en ce qu’il n’est pas certain qu’elle constitue une réponse idoine au principe d’égalité de traitement fiscal des opérateurs concurrents de ce marché posé par la Directive européenne.
L’Administration fiscale a publié le 7 août 2024, dans ses commentaires BOFIP, les conditions d’application du texte.
I) Les prestations d'hébergement fournies dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire
Quels prestataires visés ?
Les commentaires viennent d’abord préciser la qualité des personnes visées susceptibles de proposer ces prestations : les prestataires des secteurs hôtelier et para-hôtelier.
Le classement au sens du code du tourisme du prestataire ou, son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, apparait sans incidence sur la soumission à la TVA de cette prestation. Cette précision est fondamentale en ce qu’elle vient élargir le champ d’application du texte à l’ensemble des structures fournissant des prestations d’hébergement de courte durée.
Les commentaires viennent par ailleurs préciser que le prestataire d’hébergement ne perd pas cette qualité lorsqu’il recourt à « des prestataires ou à un intermédiaire agissant en son nom et pour son compte à l’égard des clients. » Dès lors, et en cas de concours de professionnels distincts œuvrant chacun sous leur responsabilité, le prestataire d’hébergement qui opérerait la location meublée et mettrait à disposition de ses clients une liste de prestaires pour la réalisation de services annexes serait exonéré de TVA.
Viennent ensuite le respect des deux conditions cumulatives.
La proposition d’une durée de séjour inférieure à 30 nuitées
Le texte vise en outre les prestations d’hébergement offertes aux clients pour une durée ne pouvant excéder 30 nuitées. Les commentaires administratifs visent pour leur part une durée de séjour inférieure ou égale à 30 jours. Si les termes ne sont pas tout à fait les mêmes, on l’aura compris les prestations d’hébergement de courte durée proposées de manière infra-mensuelle sont dans l’œil du viseur. La doctrine administrative vient préciser que seule compte ici le fait de proposer une offre d’hébergement inférieure ou égale à 30 nuitées ; la circonstance selon laquelle un client louerait pour une durée globale supérieure à 30 jours ne remet pas en cause l’assujettissement potentiel à la TVA.
La mise à disposition en sus de l’hébergement de services accessoires
La seconde condition cumulative tient à la mise à disposition en sus de l’hébergement de trois prestations parmi les quatre précédemment citées.
Avant toute chose, il convient donc de préciser que cette prestation d’hébergement sera matérialisée en pratique par la mise à disposition d’un local meublé. A cet égard, il est rappelé qu’ont « la nature de local meublé les biens immeubles comportant tous les éléments mobiliers indispensables à une occupation normale et temporaire par le client ».
Les commentaires administratifs précisent ici que sont sans incidence le fait que le bien soit situé ou non au sein d’une zone touristique, dans un immeuble collectif ou qu’il constitue une construction individuelle.
Une exception est prévue pour les locations et mises à disposition de tentes, caravanes et de toutes autres résidences mobiles de tourisme qui, constituant des locations de biens meubles sont assujettis de plein droit à la TVA au taux réduit de 10%.
Venons-en maintenant à la fourniture de prestations annexes. Rappelons-nous à ce stade que si la fourniture effective de ces prestations n’est pas exigée, c’est à la condition qu’elles soient proposées par le prestataire d’hébergement et, en cas de recours à des intermédiaires qu’elles soient effectuées en son nom et sous sa responsabilité. Selon le mode opéré, le prestataire devra être en capacité d’assurer la fourniture de ces services à l'ensemble des clients hébergés. Enfin, et en tout état de cause, la doctrine administrative prévoit que la réalité et l’effectivité du service proposé devra pouvoir être démontrée. Elle donne quelques exemples parmi lesquels : affichage dans les locaux, mise à disposition d'un livret d'accueil, échanges écrits avec le client, mention sur le site internet du prestataire d’hébergement…
S’agissant de la facturation de ces services, les commentaires sont ici très souples en ce qu’ils permettent aussi bien de les inclure irrévocablement dans le prix du séjour, que de les facturer séparément en raison de leur caractère optionnel.
Voyons à présent les précisions apportées sur ces quatre prestations :
- S’agissant de la fourniture petit-déjeuner, les commentaires viennent d’abord préciser qu’elle sera susceptible d’être retenue à la condition qu’elle soit proposée selon les usages professionnels. La doctrine administrative est ici assez complète en ce qu’elle vient préciser que la circonstance que le petit-déjeuner soit proposée via un service de pré-commande en ligne est susceptible de répondre à l’exigence à la seule condition que le délai afférent à la commande ne contrevienne pas à la fourniture effective du petit-déjeuner. En outre, et de manière logique, il est précisé que la mise à disposition de distributeurs alimentaires et/ou de boissons ne sauraient satisfaire à l’exigence et se conformer aux usages professionnels.
- S’agissant du nettoyage régulier des locaux, les commentaires précisent que la régularité s’apprécie en fonction de la durée du séjour, un nettoyage hebdomadaire étant suffisant. Dès lors, pour des séjours inférieurs à une semaine le seul nettoyage des locaux en début de semaine convient. Bien évidemment, cette prestation doit être effective si bien que la seule mise à disposition du matériel de nettoyage à la clientèle ne saurait la caractériser. Là encore, la possibilité de pré-commande du service est encadrée par la même limite.
- La fourniture du linge de maison est marquée par le même degré de régularité (hebdomadaire) que le nettoyage.
- Enfin, et s’agissant de la réception même non personnalisée de la clientèle, aucune nouveauté. Si la doctrine administrative reste ici très large sur les modalités d’accueil c’est à la condition que soient mises à disposition du client les informations tenant aussi bien à l’accessibilité du logement qu’aux éventuels équipements et services disponibles. Sont ainsi visés aussi bien l’accueil physique du client sur le lieu de la location ou, à un point de rendez-vous déterminé, que l’accueil par l’intermédiaire d’un service de communication électronique avec boîte à clés sur place.
II) Les locations de logements meublés à usage résidentiel
Ce qui distinguera ces locations des prestations de nature hôtelière précédentes, c’est la durée de séjour qui représentera en l’espèce un degré de permanence. La clientèle ne sera alors plus la même et, seront principalement visées par les textes : les résidences étudiantes, les résidences seniors, les résidences services, le coliving…. Le logement ne sera en revanche pas nécessairement la résidence principalement du locataire.
Là encore, et conformément à la dernière uniformisation opérée au sein de l’article 261 D du Code Général des Impôts, ces locations seront assujetties à la TVA à la condition qu’elles comportent trois prestations parmi les quatre précédemment citées.
Le cœur de nos développements étant dédiées aux locations de courte durée, étudions désormais l’impact des dispositions décrites en I) sur celles-ci.
III) Quel impact sur les locations de courte durée type Airbnb ?
S’il est clair que la première condition tenant à la durée de séjour est quasi-systématiquement remplie en raison d’une proposition de location à la nuitée, il en va différemment s’agissant des prestations annexes fournies. Ici, les commentaires ne sont pas sans soulever quelques difficultés pratiques sur lesquelles il convient de se pencher.
S’agissant de l’accueil de la clientèle, cette condition dont on l’a vu, les modalités d’application sont très larges, sera quasi-systématique. En ce sens, la messagerie instantanée que l’on retrouve sur chaque plateforme et la possibilité de programmer l’envoi de messages automatiques à chaque réservation facilite grandement les échanges.
Il convient dès lors d’étudier les trois autres critères qui seront susceptibles de faire basculer à la TVA le prestataire.
S’agissant de la fourniture du petit-déjeuner, il apparait que cette prestation est le plus souvent absente des locations type Airbnb. Toutefois, il convient de ne pas généraliser cette absence, certains loueurs proposant ce service :
- En l’intégrant directement dans le prix ou,
- Proposant cette possibilité en option à un tarif déterminé.
On l’aura compris, tout l’enjeu résidera dans les deux derniers critères. Pourtant, leur caractérisation sera loin d’être évidente comme nous le verrons.
S’agissant du nettoyage des locaux et du fourniture du linge de maison, les deux services sont dans la majorité des cas facturés au client et effectués en fin de séjour. Imaginons maintenant que vous êtes propriétaire d’un logement que vous avez meublé avant de le louer sur une plateforme type Airbnb l’an dernier. Vous avez loué votre logement aussi bien à des personnes séjournant deux nuits que pour des personnes séjournant 15 nuits. En tout état de cause, aussi bien le ménage que la fourniture du ligne de maison intervenaient en fin de séjour. Dès lors, si pour les locations infra-hebdomadaire la condition apparait respectée, il en va tout autre pour les locations d’une durée supérieure si bien que la règle crée une dichotomie susceptible de poser question et créer une instabilité juridique. Ce manque de précision mériterait à notre sens, une clarification pour lever les incertitudes tenant aux modalités d’application de la TVA pour les contribuables effectuant cette activité mixte de locations courte et longue durée. Un parlementaire vient d’ailleurs en ce sens d’interroger le Gouvernement sur le sujet3. Nous resterons attentifs à la réponse formulée.
En tout état de cause et précisément pour les séjours supérieurs à une semaine, la proposition à la clientèle de la fourniture de ce service en cours de séjour constituera un signal d’alerte. On constate depuis quelques années un essor des services de conciergerie mis à la disposition des propriétaires inscrits sur ces plateformes de location. Le périmètre des prestations proposées, souvent à la main de ces derniers, pourrait alors changer la donne. Si les prestations venaient à être proposées à la clientèle durant leur séjour (a minima une fois par semaine, rappelons-le), nous serions alors dans une situation bien différente témoignant de prestations régulières comme nous pourrions les rencontrer dans un secteur hôtelier. Ainsi, le loueur en meublé remplirait les conditions d’assujettissement à la TVA.
En parallèle, on rappellera simplement qu’en matière de fiscalité directe (Bénéfices Industriels et Commerciaux)4, le critère n’est pas tenu pour acquis lorsque le loueur en meublé effectue seulement le nettoyage en fin de chaque séjour. La durée de location est à cet égard sans incidence. Pour autant, il nous semble qu’il y ait lieu de se détacher de ces commentaires, les dernières précisions apportées en matière de TVA aspirant à se conformer aux principes de la directive européenne et donc taxer de manière homogène les opérateurs concurrents du marché.
Ainsi et si les commentaires prévus en matière de fiscalité directe ne venaient pas à être modifiés, nous serions confrontés à un traitement distinct selon le point de vue derrière lequel nous nous plaçons : un loueur en meublé pourrait ainsi relever du régime LMNP et non du régime de la parahôtellerie et, dans le même temps être passible de la TVA car remplissant les critères plus stricts d’assujettissement des prestations parahôtelières.
Le bénéfice éventuel de la franchise de base
Enfin, précisons que, quand bien même le propriétaire d’un logement loué en meublé satisferait aux différentes conditions d’assujettissement, il pourrait certainement bénéficier d’une dispense de paiement au regard de la franchise en base prévue à l’article 293 B du CGI5. Ce dispositif dépendra du montant de chiffre d’affaires réalisé en N-1. La dernière loi de finances pour 20246 est venue modifier le montant du chiffre d’affaires N-1 à prendre en compte. Ainsi, à compter du 1er janvier 2025, le contribuable effectuant des prestations d’hébergement pourra bénéficier de cette franchise si son chiffre d’affaires réalisé en 2024 est inférieur à 85 000€ (contre 91 900€ auparavant). Dans le cas où ce seuil serait dépassé l’année N, l’application de la franchise pourra demeurer à condition que le chiffre d’affaires ne dépasse pas un seuil majoré (93 500€). Le bénéfice de la franchise de base n’exonère pas pour autant l’assujetti de quelques obligations comptables7. Ce dernier devra en effet tenir et être en mesure de présenter sur demande du service des impôts :
- un registre annuel présentant le détail de ses achats de biens et services et,
- un livre journal détaillant le détail de ses recettes professionnels.
L’ensemble devra bien entendu être pourvu de pièces justificatives type factures. En pratique, ces obligations ne devraient guère poser de problème pour les loueurs relevant du régime réel des bénéfices industriels et commerciaux, en raison de la tenue d’une comptabilité d’engagement.
Par ailleurs, l’assujetti bénéficiant de la franchise de base n’aura pas d’autre d’obligation déclarative en matière de TVA que celle de faire connaître son activité auprès du service des impôts des entreprises du lieu de leur principal établissement.
En cas d’assujettissement des prestations d’hébergement à la TVA, le taux applicable sera de 10% et, sera la plupart du temps inclus dans le prix de location du logement.
Pour le loueur en meublé qui serait au sens des textes dans le champ d’application de la TVA mais exonéré de son paiement en raison du bénéfice de la franchise de base, il pourra toutefois opter pour le paiement de la TVA. L’option couvrira une période de deux années civiles et sera renouvelable par tacite reconduction. Toutefois, en cas de remboursement de TVA reçu par l’assujetti durant la période de deux ans de l’option, celle-ci sera automatiquement renouvelée pour la même durée. En pratique, l’option devra être expresse et matérialisée par un écrit adressé au service des impôts des entreprises de rattachement. Elle prendra effet au premier jour du mois au cours duquel elle est exercée. Si le contribuable souhaite repasser sous le régime de la franchise de base, il pourra dénoncer l’option à condition qu’elle celle-ci intervienne avant l’échéance de la période de deux ans couverte par l’option.
Quelles conclusions ?
La solution a sur le papier le mérite de la simplicité à l’inverse d’un principe d’analyse factuelle posé par le Conseil d’Etat qui risquerait de générer un contentieux abondant. Pourtant, cette taxation selon la proposition de prestations accessoires conduit-elle à établir une égalité de traitement fiscal entre les opérateurs de ce marché ? Rien n’est moins sûr au regard de la concurrence qui anime ce marché depuis plusieurs années.
Cette homogénéisation des critères de taxation ne devrait en pratique pas se traduire par une augmentation significative des loueurs en meublés assujettis à la taxe. Leur choix de fournir certains services annexes ou non couplé au bénéfice éventuel de la franchise de base ne devrait en effet entraîner que peu de changements pour eux.
Si l’établissement hôtelier satisfera la plupart du temps aux conditions d’assujettissement à la TVA en raison de la fourniture systématique des prestations visées, il en va tout autre pour le loueur en meublé pour lequel il suffirait de proposer seulement deux prestations annexes pour être exonéré de TVA.
Une nouvelle fois, nous préciserons que TVA n’est pas nécessairement synonyme d’inconvénients. Si l’assujettissement entraine une augmentation des loyers, il permettra en parallèle de récupérer la TVA sur le prix d’acquisition et les travaux effectués sur le bien sous réserve du respect de certaines conditions.
Notes bibliographiques et références
- T. Gimenez, « Du changement en vue pour la parahôtellerie », Les Ondes de l’Immo, 28 mars 2024
- BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20
- Question n°1044 publiée au JO le 15/10/2024
- BOI-BIC-CHAMP-40-10, 5 mai 2020
- P. Fernoux, « La location meublée et la TVA après la loi de finances pour 2024 ? », Eclairage AUREP n° 497, 2 fév. 2024
- LOI n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, art. 82 (V)
- BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20
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