Point juridique
La question du délai pour agir contre une construction irrégulière en copropriété est devenue un véritable casse-tête notamment pour les professionnels tels que les syndics, entre les évolutions législatives et les récentes décisions jurisprudentielles. Dans son ancienne rédaction, l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 prévoyait que les actions personnelles se prescrivaient par un délai de 10 ans. Désormais depuis la loi ELAN du 23 novembre 2018, l’article 42 alinéa 1 renvoie au délai de droit commun de l’article 2224 du Code Civil qui fixe une prescription de 5 ans. Toutefois bien que la loi ELAN ait réduit ce délai à 5 ans, un arrêt inédit de la Cour de cassation du 7 septembre 2022 a relancé le débat en considérant dans certains cas qu’une prescription trentenaire serait applicable au lieu et place de la prescription quinquennale.
DELAI DE PRESCRIPTION POUR AGIR CONTRE UNE CONSTRUCTION IRREGULIERE EN COPROPRIETE
Questions réponses
Quel délai s’applique ? 5 ou 30 ans ?
Le délai de 5 ans
Il s’applique à l’action personnelle, c'est-à-dire lorsqu’il s’agit de travaux affectant seulement l’aspect extérieur de l’immeuble, sans constituer une véritable emprise sur les parties communes. Par exemple, des travaux non autorisés impactant l’apparence de l’immeuble (exemple : pose d’un climatiseur) seront soumis à ce délai.

Le délai de 30 ans
Il s’applique à l’action réelle pour revendiquer la propriété ou la jouissance d’un bien immobilier (exemples : annexion de parties communes, ouverture dans un mur commun ou construction d’un cabanon dans un jardin commun à jouissance privative...). Ces actions seront soumises au droit commun de la prescription trentenaire.

Quand commence à courir le délai de prescription ?
Avant la loi ELAN de 2018, la prescription courrait à compter de la réalisation des travaux. Depuis cette réforme, le délai court désormais à partir du moment où le titulaire du droit a connaissance des faits (article 2224 du Code civil).
Cela signifie que, même avec un délai réduit à 5 ans, il commencera à courir à compter de la découverte de l’ouvrage irrégulier, offrant ainsi davantage de temps pour agir.
Quelle est la portée de l’arrêt du 7 septembre 2022 ?
Dans cette affaire, la Cour de cassation a considéré que l’action engagée par le syndic contre la construction d’un cabanon édifié sur une partie commune à jouissance privative devait être considérée comme une action réelle, donc soumise à la prescription trentenaire. Cette décision a fait écho à la volonté jurisprudentielle de considérer certains types de constructions irrégulières comme des emprises sur les parties communes.
Quel est l’impact pour les syndics et les copropriétaires ?
Les syndics et copropriétaires doivent désormais naviguer entre des délais de 5 ans et 30 ans, selon la nature de l’ouvrage et de l'action engagée. La distinction peut être subtile mais essentielle : une action contre un ouvrage affectant l’aspect extérieur de l’immeuble sera prescrite par 5 ans, tandis qu’une action contre un ouvrage empiétant réellement sur les parties communes pourrait bien être soumise à un délai de 30 ans.
La vigilance est donc de mise
Cette situation souligne l’importance pour les copropriétaires et les syndics d’être vigilants à la fois sur la nature de l'ouvrage litigieux et le moment de sa découverte pour éviter la prescription et garantir la possibilité d’agir en justice.

Pour allerplusloin
Article 2224 du Code Civil
(Version en vigueur depuis le 19 juin 2008)
Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
L'arrêt cité
Cass. Civ.3ème, 7 septembre 2022, n°21-13.014.
"En statuant ainsi, alors que la demande de démolition d'une construction édifiée sur une partie commune, fut-elle réservée à la jouissance exclusive d'un copropriétaire, est une action réelle qui se prescrit par trente ans, la cour d'appel a violé les textes susvisés."

